vendredi 1 janvier 2100

Présentation générale du site

 N'oubliez pas de lire chaque mois mon nouveau billet    


Vous trouverez avec les onglets en haut de cette page, des liens ordonnés vers mes documents techniques, qui sont également mis en file chronologique ainsi qu'en liste par sujet (dans la colonne de droite sur cette page, plus bas après la liste des pages les plus consultées).  L'accès par les onglets offre une présentation différente, qui  vise à rendre plus conviviale et plus logique l'accès à ces documents. J'expose dans ces écrits les résultats des analyses que je fais avec une approche totalement indépendante. Il n'y a que la vérité des faits scientifiques qui me motive; je n'ai pas d'intérêts personnels, ni de lien direct ou indirect avec quelque partie liée à ces sujets.

N'hésitez pas à ajouter des commentaires et/ou des questions, directement sur ces pages si c'est d'intérêt général. Si par contre vous souhaiter me contacter plus directement, vous pouvez m'envoyer un courriel: -->  
durand.marc@uqam.ca

J'ai commencé en décembre 2010 à analyser la question de ce qui est communément appelé "le gaz de schiste".  Je ne rejette pas cette appellation qui est entérinée dans le langage courant, ainsi que dans la dénomination des commissions d'enquête que le gouvernement a créées pour ce sujet (ÉES, BAPE, etc.). Il y a cependant une expression plus scientifiquement juste: les gisements d'hydrocarbures de roche mère, que j'emploi pour le nom de ce site et pour la majorité de mes documents.

On désigne ces nouvelles ressources comme des gisements non conventionnels de pétrole et de gaz, car tant par leur nature géologique que par la méthode d'extraction employée (la fracturation artificielle requise), ils sont bien distincts des gisements conventionnels d'hydrocarbures. Les impacts économiques et environnementaux très négatifs qui en résultent sont également très différents.

À partir de 2011, j'avais mis en ligne mes documents sur cinq sites Facebook créés à cette fin:
www.facebook.com/gazdeschistewww.facebook.com/gazdeschiste2 , www.facebook.com/PetroleDeRocheMerewww.facebook.com/DebatScientifiqueGazDeSchistele cinquième site pour les versions en anglais de mes documents: https://www.facebook.com/shalegas, ainsi que des présentations en vidéo qui sont placées sur  YouTube.
Mon profil scientifique se retrouve sur Research Gate


Certains lecteurs s'objectent à utiliser Facebook; de plus ce type de site peut se trouver bloqué dans des lieux de travail d'utilisateurs qui oeuvrent dans des instances du gouvernement, etc. J'ai donc repris ici mes documents les plus importants. Ces pages constituent un site qui permet un classement plus ordonné de mes documents. Depuis 2018, je n'encourage plus du tout l'utilisation de Facebook  étant donné leur mode intrusif et mercantile de vente à des tiers des métadonnées engendrées par les utilisateurs. Mes anciennes pages Facebook restent actives, mais mes nouveaux documents seront dorénavant publiés sur ce site-ci, lequel est totalement ouvert et il n'exige pas que les utilisateurs s'inscrivent, contrairement à Facebook.

Je tiens à remercier tous mes fidèles lecteurs. J'ai créé ce site spécialisé le 1er août 2014 en espérant qu'il soit utile à la compréhension des questions techniques reliées aux gisements de roche mère. Je suis heureux de voir qu'il remplit ce rôle auprès d'un nombre toujours croissant. En août 2015, 
un an après son ouverture, il y avait eu 20 000 vues. Après deux ans, la fréquentation a augmenté de façon significative, notamment en 2016 où il y a eu 10 000 vues par mois comptabilisées sur ce site. Le total cumulatif a dépassé 100 000 vues à la mi-juillet 2016, puis 200 000 en mai 2017, pour finalement dépasser 345 000 en juillet 2021.

Au Québec la fracturation hydraulique est maintenant interdite dans le schiste des Basses-terres du St-Laurent et la menace sur Anticosti a également été écartée; ces deux sujets ne sont plus dans l'actualité. En 2020 moins de lecteurs du Québec fréquentent ces pages, mais mon site rejoint maintenant des lecteurs de partout dans le monde. Les problèmes techniques et environnementaux reliés à la fracturation des gisements d'hydrocarbures disséminés dans leur roche mère sont universels. L'expérience d'ici peut servir aussi ailleurs.

La question de la fracturation hydraulique et de l'exploration pour la recherche d'hydrocarbures a finalement été réglée au Québec. La dernière tentative des promoteurs a été présente le dossier de GNL au Saguenay en 2020 et 2021. Il reste encore dans le paysage d'ici des poursuites intentées devant les tribunaux par des promoteurs déçus.





lundi 30 juin 2025

Un rapport du Conseil des droits de l’homme de l'Organisation des Nations Unies

L'ONU vient de publier un très important rapport sur la nécessité absolue de mettre fin à l'exploitation des hydrocarbures : The imperative of defossilizing our economies

La version française de ce rapport est aussi présente sur le site de l'ONU. Elle porte un titre très simple mais absolument limpide: Défossiliser nos économies − un impératif.

J'ai peu de commentaires à ajouter, sinon de vous inciter à lire ce texte d'une grande clairvoyance.

Je souligne également l'article 59: 

59. Les États devraient interdire immédiatement :

  a)  La fracturation hydraulique, les sables bitumineux et le brûlage de gaz à la torche;

  b) La prospection et l’exploitation en mer


  c) La prospection ou l’exploitation dans les aires protégées et les zones riches en biodiversité.

mardi 24 juin 2025

Exploration et production de gaz de schiste en Chine.

La Chine a d'énormes besoins en gaz naturel; la production domestique ne parvient qu'à satisfaire qu'environ la moitié de ces besoins. Le pays est donc un gros importateur de gaz à l'heure actuelle. Le pays tente de s'affranchir de l'importation et c'est donc vers l'extraction de gisements non conventionnels sur son vaste territoire qu'il tente d'accroitre la part de la production domestique. Cette expansion se bute cependant à une question cruciale: les principaux champs potentiels non conventionnels sont dans des zones désertiques où l'eau est une denrée rare. La Chine innove en développant une technique de fracturation sans eau : la fracturation à l'azote liquide.

Voici une vue d’ensemble de l’exploration, de la fracturation et de la production de gaz de schiste en Chine, complété à la fin de ce texte par une analyse sommaire de la technique de fracturation à l'azote liquide et de l'application de cette technique en Chine.

Contexte national & avancées technologiques

  • Production et réserves:
    En 2019, la Chine a extrait ~15
    Gm³ de gaz de schiste (≈8,7% de la production de gaz naturel totale du pays). En 2024, la Chine a produit 246 Gm³ et elle a consommé 425 Gm³. Cette consommation est en augmentation. L’essentiel (94,5%) provient du bassin du Sichuan (Fuling, Weiyuan, Changning).
    Les réserves prouvées nationales atteignaient ~2
    000Gm³ en 2020 .
  • Poussée vers les formations profondes:
    Depuis 2018, percements réussis dans des formations à plus de 4
    000m de profondeur (Qiongzhusi, Wulalik, Dalong...) avec des taux de production journaliers de plusieurs dizaines de milliers de m³.  Cela montre l’entrée en phase de production commerciale dans ces corridors profonds.
  • Techniques & innovations:
    La fracturation hydraulique domine, mais la Chine développe aussi des techniques à l’azote liquide (waterless fracking), particulièrement dans les zones arides (Xinjiang, Mongolie Intérieure), pour réduire la consommation en eau et l’impact environnemental.

Principaux champs de gaz de schiste en production

Champ (opérateur)

Découvert en

Prod. débute en

Production journalière

Réserves prouvées

Profondeurs/des formations

Remarques

Fuling Sinopec

2012

2014

~25Mm³ ≈970Mpi³

900–1000Gm³

formations Siluriennes Longmaxi/Wufeng

Premier champ commercial, >60b=Gm³ cumulés

Anyue (Sinopec)

2014

2014

~11Mm³ ~383Mpi³

~440Gm³

Sichuan – réserves conventionnelles

Second site majeur

Yuanba Sinopec

2011

2015

~9.3Mm³ ~325Mpi³

~160Gm³

Sichuan basin

Réserves plus petites

Weiyuan, Changning, etc. PetroChina

~2009–2010

2012

non détaillé

cumul >300Gm³

Sichuan

Production de ~3Gm³/an en 2017

Formations ultra‑profondes

2018


e.g. Zi‑201 ~26Mpi³

blocs potentiels >1Gm³

>4000m Qiongzhusi / Cambrian

Phase pilote vers production commerciale



Evolution & défis

  • Une croissance impressionnante :
    • Fuling a produit ~6–8Gm³/an depuis 2020 ; cumul >60Gm³.
    • Petits champs comme Anyue et Yuanba ajoutent ~20% à la production nationale.
  • Complexité géologique : les bassins montagneux du Sichuan sont plus difficiles à exploiter qu’en Amérique du Nord .
  • Ressources en eau & R&D : la crise hydrique dans certaines régions pousse vers des fracturations alternatives (azote liquide) .


Synthèse stratégique

  • Capacité actuelle : ~15Gm³/an de gaz de schiste (≈10% de la production totale de gaz GNL), surtout concentrée dans le Sichuan.
  • Axé sur les géants : Fuling reste la locomotive (>1Tm³ de réserves, ~25mm³/j).
  • Expansion future: exploration active des formations profondes (>4000m) et dominées par innovations technologiques.
  • L'environnemental et la logistique : défis d’eau, infrastructures, fracturation, et maîtrise technologique dans des géologies complexes.

La Chine a réussi son entrée dans la production commerciale de gaz de schiste — notamment avec le champ de Fuling. L’effort se déplace maintenant vers des zones plus profondes et plus difficiles, appuyé par des innovations telles que la fracturation à l’azote liquide. La capacité nationale actuelle (~15Gm³/an) pourrait croître à l’horizon 2025–2030, à condition de répondre aux enjeux techniques, environnementaux et logistiques.


Voici l’évolution historique de la production de gaz de schiste en Chine entre 2011 et 2024 (estimation 2025 incluse) : on observe une montée en puissance rapide dès 2014, avec une stabilisation autour de 15milliardsdem³/an depuis 2020:







Pour pouvoir aller plus loin que ce plateau à 15milliardsdem³/an, la Chine veut mettre en production des gisements non conventionnels situés dans des zones où l'eau n'est pas disponible. Pour cela le pays tente de développer une technique où le fluide qui sert à fracturer le shale n'est pas de l'eau, mais de l'azote liquide. 

La fracturation à l’azote liquide repose sur l’injection d’azote sous forme liquide (température ~–196°C) à haute pression dans les formations rocheuses. En se vaporisant, l’azote se dilate violemment (~700x son volume), créant des microfissures sans utiliser d’eau.

Mécanismes

  1. Injection d'’azote liquide : le fluide cryogénique est injecté sous pression dans le puits.
  2. Gel thermique de la matrice : le contraste thermique provoque des chocs thermomécaniques microfissuration.
  3. Vaporisation explosive : l’azote liquide se transforme en gaz pression interne ouverture de fractures.
  4. Transport des proppants (optionnel) : comme pour la fracturation hydraulique, des grains peuvent être injectés pour maintenir les fissures ouvertes.


Application en Chine

  • Zones concernées : Xinjiang, Mongolie intérieure, Ordos — régions semi-arides ou désertiques.
  • Objectif : limiter l’usage d’eau dans les zones sensibles hydrologiquement.
  • Avantages :
    • Zéro consommation d’eau ;
    • Réduction des risques d’endommagement des formations argileuses gonflantes (swelling clays) ;
    • Moins de contamination des aquifères superficiels ;
    • Simplification du traitement des fluides de retour.
  • Inconvénients :
    • Coût énergétique très élevé (production et transport du LN) ;
    • Risques liés à la cryogénie ;
    • Difficulté à maintenir les fissures ouvertes sans additifs spécifiques.


Statut en Chine

  • Phase pilote avancée : plusieurs essais menés depuis 2016–2018.
  • Intégration hybride : certaines exploitations utilisent un mix azote liquide-eau pour optimiser coûts et efficacité.
  • Développements R&D : CNPC et Sinopec collaborent avec l’Académie des Sciences pour améliorer la pénétration de l'azote liquide dans les formations à faible porosité/perméabilité.


Fracturation hydraulique vs  Fracturation à l’azote liquide

Critère

Fracturation hydraulique (HF)

Fracturation à l’azote liquide (LN)

Fluide injecté

Eau + additifs chimiques + proppants

Azote liquide (N) pur ou mélangé à des proppants

Volume de fluide requis

10000 – 25000m³ par puits

2000-5000m³ (LN est plus "sec" et expansif)

Pression typique

40–100 MPa

30–80 MPa (mais effets thermo-mécaniques augmentent la fissuration)

Température d’injection

~20–40°C

–196°C (cryogénique)

Mécanisme dominant

Pression mécanique

Chocs thermiques + expansion gazeuse

Profondeur d’application

Idéal pour 1500 – 3500m

Plus efficace dans formations peu fracturées ou argileuses

Taux de récupération du gaz initial (EUR)

10–30% (fortement dépendant du design)

5–20% (mais en amélioration avec hybridation)

Coût estimé (USD/puits)

3–6millions$ (variable)

4–8millions$ (production, transport LN coûteux)

Risque d’endommagement des roches argileuses

Élevé (gonflement, colmatage)

Très faible

Consommation d’eau

Très élevée (jusqu’à 30millions de litres)

Zéro (ou quasi-nulle)

Traitement des eaux de retour

Nécessaire (fluide de reflux contaminé)

Pratiquement inexistant

Risque de contamination des nappes

Modéré à élevé (si défauts de cimentation)

Très faible (N gazeux non polluant)

Empreinte carbone directe

Faible lors de l’injection, mais traitement eau énergivore

Élevée (liquéfaction + transport du N)

Flexibilité opérationnelle

Très mature, industrialisée

Moins mature, expérimentale

Utilisation en Chine

Généralisée (Sichuan, Ordos)

hybride (Xinjiang, désert de Qaidam)



Analyse comparative fracturation hydraulique vs fracturation à l'azote liquide

Avantages de la fracturation hydraulique

  • Technologie éprouvée, maîtrise industrielle complète.
  • Capacité à produire de grands volumes de gaz à faible coût dans des zones bien caractérisées.
  • Écosystème d’approvisionnement déjà en place (additifs, proppants, traitement des eaux).

Avantages de la fracturation à l'azote liquide

  • Appropriée pour zones arides ou formations argileuses sensibles à l’eau.
  • Risques environnementaux réduits, notamment vis-à-vis des nappes phréatiques.
  • Pas de pollution chimique durable.

Limites de la technique

  • Coût élevé de la liquéfaction de l’azote (~0,06–0,09$/kg). Il en faut évidemment de très grands volumes pour compléter la fracturation à chacun des puits
  • La logistique est très complexe: transport cryogénique, équipements spécialisés, etc.
  • Moins de recul sur la durabilité des fissures induites; on a constaté que sans les proppants entrainés par l'eau dans la fracturation hydraulique, certaines fractures se referment.

Enjeux stratégiques pour la Chine

  • Politique de diversification : la Chine utilise la l’azote liquide comme complément pour zones où l’eau est rare ou précieuse.
  • Technologie en maturation rapide : on tente de mettre au point une intégration de l'azote liquide avec des microproppants ou des gels porteurs pour accroître l’efficacité de la mise en place des particules qui sont nécessaires pour garder les fractures ouvertes.
  • Potentiel environnemental : fort attrait dans les zones sensibles comme en Himalaya oriental, Ordos, Tarim.