lundi 12 décembre 2011

Réponses à neuf questions techniques

Réponses à neuf questions techniques + une 10e pas technique, mais linguistique

Les dix sujet traités ci-dessous sont dans l'ordre:
1) La pertinence de la solution Gaz de Schiste  VS Charbon.
2) La pollution des nappes de surface.
3) Les liens entre fracturation hydraulique et contaminations des nappes.
4) Les fuites de méthane.
5) La pression dans les puits au moment de l'abandon.
6) Le contrôle de la fracturation hydraulique.
7) La réalité sur l'épaisseur de couverture pour protéger les nappes.
8) L'extension réelle de la fracturation hydraulique.
9) Les séïsmes induits par la fracturation hydraulique.
  et ... 10) Gaz de shale  ou  gaz de schiste?


1) La pertinence de la solution Gaz de Schiste versus Charbon.

A l'origine de l'industrie du gaz, le fait que la COMBUSTION du méthane dégage moins de CO2 que la COMBUSTION du charbon; vrai en labo certes si on s'en tient à la seule étape de combustion, mais cette élément n'est qu'un parmi les nombreuses étapes entre la production et l'utilisation du combustible. C'est un débat utile aux USA où il y a beaucoup de centrales au charbon vieillissantes pour produire de l'électricité; rien de ça au Québec.  Mais aux USA donc cette prétention a fait naître les beaux jours du gaz de schiste, et même le plus aberrant, amalgamer  gaz de schiste  et  gaz naturel produit de façon conventionnelle et le présenter comme "un pont vers des énergies plus vertes".  C'était sans compter sur toutes les étapes requises pour produire et emmener le combustible aux centrales. L'étude scientifique ci-dessous donne les vraies valeurs. En tenant compte de toute les difficultés pour l'extraire, le gaz de schiste pollue PLUS que le charbon, pourtant déjà un très gros pollueur:
"Compared to coal, the footprint of shale gas is at least 20% greater and perhaps more than twice as great on the 20-year horizon and is comparable when compared over 100 years."tiré de l'études des chercheurs de Cornell University.  Réponse 2012 à des critiques mal fondées


2) La pollution des nappes de surface:

"C'est impossible, car nous fracturons le shale seulement en grande profondeur, bien loin sous les nappes d'eau potable. Il y a toujours plus de 1000 m de roc imperméable existe entre les deux"  dit l'industrie.
M. Binnion président de Questerre écrit aussi qu'avant même de forer au Québec " ... À plusieurs endroits, et en particulier dans les basses-terres du Saint-Laurent, il est commun de retrouver du gaz thermogénique à la surface et dans l’eau de consommation."
Faudrait que l'industrie se branche: la deuxième déclaration contredit la première. Si dans les conditions naturelles, des fractures amènent du méthane de l'Utica jusqu'en surface en quelques endroits isolés, c'est donc la preuve que la supposée barrière de 1000m de roc imperméablen'est pas imperméable. Qu'elle le sera encore moins, quand tout le shale sera recoupé de millions de nouvelles fracturations. Ces anciennes voies, plus les nouvelles fractures vont tout autant, et bien plus, démontrer que les 1000 m de roc entre l'Utica et les nappes NE SONT PAS une barrière étanche absolue.
En ce qui a trait aux supposés 1000m de distance entre la zone fracturée et le bas des nappes, c'est contredit par les données réelles qu'on peut lire dans des rapports de forages; voit le sujet 7 ci-dessous. Dans l'exemple documenté, il y a à peine 400m et non pas 1000m.

3) Les liens entre fracturation hydraulique et les contaminations des nappes phréatiques

n'ont été démontrés par aucune étude?  C'est en regardant la question à la façon d'un avocat* qu'on arrive en effet à cette affirmation. La fracturation hydraulique est une opération qui se situe dans le temps juste après la construction du forage et avant son exploitation commerciale. Cette opération prends cinq à dix jours tout au plus, et on annonce déjà des techniques plus rapides encore, qui vont réduire ce temps à quelques jours.
La période d'injection sous haute pression est donc extrèmement courte, et pendant cette période on a pas pu encore observer en même temps en surface des effets. Mais ces effets, bien réels, vont prendre plus de temps que quelques jours ou quelques semaines à se manifester. Ça l'industrie le sait, mais n'en parle pas. Elle se limite à ce fait très pointu: on a fait de la fracturation et plus haut dans les nappes on a pas observé, ni démontré d'effets.  C'est très très court comme approche et c'est surtout très baisé.
Seulement 40 % des eaux de fracturation sont remontées en surface pendant cette opération; donc plus de 60% demeurent dans les fractures créées dans le shale. Mais avec le temps, d'autres volumes de ces eaux vont remonter vers les nappes de surface.  Dans les conditions naturelles, la circulation souterraine dans le shale est extrêmement lente et se mesure à l'échelle de milliers d'années. Avec la fracturation artificielle, elle est de beaucoup accélérée; l'échelle de temps devient des années ou décennies. Mais ce n'est pas instantané; en quelques jours, ou quelques semaines, on n'observe pas d'effet. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas.
Juste après la période où on crée des fortes pressions, on fait l'inverse: pendant les années qui suivent, pendant l'extraction, la pression est au contraire abaissée au minimum. Il y a peu de chance que l'eau contaminée monte vers la surface, car l'écoulement se fait en sens inverse, vers les fractures dans le shale en profondeur. Donc là aussi pendant l'extraction, on ne constatera pas sans doute les effets néfastes. Les exploitants savent cela aussi.
Après la fin de l'exploitation, dans les puits abandonnés, la pression remontera et là, la circulation reprendra. Cela demandera des années, peut-être des décennies, mais les effets néfastes vont bel et bien alors affecter les nappes. Cela aussi l'industrie gazière le sait. Les promoteurs savent aussi que la loi actuelle leur permettra cependant de ne plus être propriétaires responsables des puits bien avant ce moment là. Quand ces effets vont devenir généralisés, ils seront "loin" !  Ce sera à peu près impossible de les poursuivre et démontrer leur responsabilité sur cette échelle de temps. Les profits seront encaissés depuis longtemps.
Donc si on a pas vu de lien entre fracturation hydraulique et contamination des nappes, c'est uniquement parce qu'on n'a pas étudié le phénomène sur son cycle complet, comme cela devrait se faire. L'affirmation du début serait équivalente dans le domaine médical à dire, juste après la commercialisation de la cigarette: Il n'y a pas de lien entre le fait de fumer et la santé, car on a pas observé de cancer du poumon PENDANT que les premiers fumeurs s'en allumaient une bonne!
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* Je veux dire pointue, légaliste et très peu scientifique. Mes excuses aux avocats, mais en hydrogéologie et pour d'autres phénomènes géologiques, l'étude de ces questions est très loin de pouvoir être faite avec votre grille d'analyse usuelle..

4) Les fuites de méthane.

L'émission Découverte Radio-Canada 17 septembre 2011 en a fait son sujet d'un court reportage. Cependant cette question est beaucoup plus complexe que la présentation sommaire du reportage. Découverte explique la présence des fuites dans 19 des 31 forages par le phénomène de la contraction du volume du coulis quand il fait prise et se durcit.  C'est une des huit causes possibles pour expliquer les fuites, mais ce n'est pas la cause unique.
Comment se fait-il qu'un bouchon de 1000 et même 2000m d'épais entre deux tubes d'acier ne puisse pas être étanche?  Un anneau de 10 cm d'épais de calfeutrant au silicone pourrait bloquer à 100% les fuites dans un tel espace. C'est évidemment que le coulis, qui utilise les mêmes ingrédients que le mortier des maçons pour monter un mur de briques, est lui un mélange où on a ajouté beaucoup plus d'eau. Le résultat donne un solide de bien piètre qualité: le reportage montrait qu'on le casse très facilement avec les mains, sans être un surhomme. Toute l'eau en surplus devient des vides et des porosités dans le matériau une fois durci. En plus, le volume se contracte  de 3% à 6% en durcissant, ce qui laisse des espaces au contact de l'acier du tubage. Il y a cependant sept autres causes possibles pouvant expliquer les fuites, ce qui est illustré sur la figure suivante:

Figure 1 - Les causes des fuites les plus courantes dans les puits.

Sur un puits, une ou plusieurs de ces causes peuvent expliquer les fuites constatées. Tant que les données sur ces puits demeureront secrètes, on ne pourra préciser les causes exactes des fuites cas pas cas.  Mais il y a un fait indéniable: elles sont bien là, présentes dans les deux tiers des puits.  Même des travaux correctifs, n'arrivent pas à en venir à bout, nous apprenait Découverte (au puits de Leclercville notamment).  Le méthane qui arrive en surface hors du tube, a donc traversé plusieurs couches géologiques, ainsi que les couches aquifères. La nappe est donc déjà contaminée par le méthane à LaPrésentation. Dans les nappes, l'eau circule lentement à l'horizontal. C'est une question de temps avant que ce lent mouvement l'amène aux puits artésiens du voisinage. L'eau souterraine est déjà contaminée: les inspecteurs du ministère devraient se focaliser sur cela, pas seulement se promener en surface à la recherche des émanations de gaz et faire comme si de rien était quant à l'eau souterraine à quelques mètres juste en dessous. Les porte-paroles du gouvernement ne disaient pas un mot sur cela dans le reportage, tout comme les experts des compagnies gazières.

Les fuites de méthane des quelques puits au Québec qui se sont rendus à l'étape de la fracturation hydraulique vont continuer à faire l'objet de controverses dans l'actualité: autre exemple à citer, le puits Talisman La Visitation. Même si ils sont peu nombreux au Québec et sommes toutes encore "tout neufs", ces puits montrent régulièrement des déficiences d'étanchéïté. Cela va aller en s'agravant avec l'âge et la corrosion.

5) La pression dans les puits au moment de l'abandon.

Les "experts" des compagnies gazière disent qu'en fin d'exploitation: «On cimente le puits quand il n'y a plus de pression. Il n'y a plus de gaz qui va sortir.» dixit le géologue principal chez Talisman Energy; la géologue dans le reportage de Découverte du 18 sept. 2011 a tenu des propos à peu près identiques.  Ceci pouvait être le cas avec des puits d'hydrocarbures du passé, mais c'estFAUX dans le cas des gaz de schiste. Il s'agit là de la plus grande fraude intellectuelle* dans tout ce dossier. La pression diminue sans cesse en période d'extraction; à l'abandon, elle n'est pas nulle, mais le débit n'est plus intéressant commercialement. C'est à ce moment là qu'on bouchera le puits et c'est peu après que les inspecteurs du gouvernement passent pour vérifier qu'il n'y a pas de fuites. Ils donnent le permis d'abandon en autant que les règles (inadéquates pour les puits de gaz de schiste) sont respectées et qu'en surface le terrain soi restauré.  Mais tout est apparence trompeuse: le puits a peu ou pas de fuites lors de cette ultime inspection car la pression est à son plus bas tout juste à ce moment là. Elle remonte ensuite régulièrement, parce que l'exploitation n'a écrémé que 20% du méthane. Le reste continue à se libérer dans les siècles qui suivent. En quelques années, décennies tout au plus, la pression tend vers le maximum antérieur. Les fuites vont reprendre et vont s'accentuer avec la détérioration inévitable des puits (tubages et coulis dégradés).
Le coût des permis à 10cent/an le million de m3, les règles d'inspection et les règles d'abandon n'ont jamais été pensées en fonction du gaz de schiste; c'est bien pour ça que des profiteurs se sont rués dans ce "far-west" : nouvelle technique qui contoure les lois, "free-for-all", les premiers arrivés empochent le magot et se sauvent au plus vite avec.
Quand ils auront tout empoché, on aura fracturé sur 200 m d'épaisseur et sur 10 000Km2, soit la totalité de l'Utica entre Montréal et Québec, on aura 20 000 puits vieillissants à gérer, une ressource non renouvelable écrémée par une génération à courte vue, qui ne disposait que d'une technique bâtarde à 20% d'efficacité, laquelle laisse 80% de gaz sous terre, tout ça connecté avec la surface par 20 000 trous mal bouchés.
Il m'est impossible d'écrire "fraude" tout court, car tout ça est hélas parfaitement légalen fontion des règles en vigeur - règles TOTALEMENT inadéquates évidemment. Mais des géologues, en principe experts qui disent cela, "mentent par omission" de façon éhontée.

6-Le contrôle de la fracturation hydraulique.

L'industrie proclame que le danger de propagation des fractures hors de la zone du shale d'Utica lors de la fracturation hydraulique est contrôlé par des techniques sophistiquées nommée "Monitoring Microsismique"; pour décrire cela simplement, disons que dans des petits forages satellites, on installe des microphones spéciaux (géophones) qui enregistrent les ondes mécaniques (un peu comme les ondes sonores); ces ondes originent des fractures qui sont produites dans le procédé. Ce monitoring permet de localiser l'origine des ondes provoquées par des ruptures mécaniques dans le shale. Mais suivre  les ruptures n'est pascontrôler les ruptures. Ça rapelle les paneaux routiers, corrigés depuis, qui annonçaient aux automobilistes "Vitesse contrôlée par radar"; le radar n'a jamais pu "contrôler" la vitesse des voitures; il se contentait de la mesurer!
La nuance est importante en ingénierie de fracturation. Si une fracture se propage hors de la zone ciblée, on ne peut que le constater, après le fait, par la microsismique. Le vrai contrôle ne se fait qu'indirectement en surface en contrôlant la pression et le débit d'injection pendant les opérations de fracturation.
Deuxième observation et elle est de taille, même si l'industrie n'en parle jamais: il y a deux types de fractures et la microsismique ne peut détecter que les ruptures de moindre signification. Les fractures les plus significatives s'ouvrent en traction: c'est un terme technique qu'on peut illustrer par la figure suivante:

















Figure 2 - Les deux types de fractures.


La pression d'injection d'eau (P et les flèches bleues) poussent sur les parois d'une fracture et la forcent à s'ouvrir et à se propager encore plus loin. Ce phénomène est lié à la faible résistance en traction des roches, d'où le nom du premier type de fractures: les ruptures en traction. Ces fractures sont les plus nombreuses et les plus significatives; on y injecte aussi le sable pour les maintenir ouvertes et collecter ainsi le gaz. Les fractures d'où originent les ondes, ne sont pas celles-là, mais d'autres, nommées fractures en cisaillement, qui se manifestent dans le processus qui déforme tout le massif de shale. Ce sont ces fractures en cisaillement que détecte le monitoring. La conclusion de cela est qu'une fracture en traction peut très bien déborder loin, hors de l'Utica ciblé, en se propageant par exemple dans un plan de faiblesse naturel déjà présent. Cela se nomme une diaclase, ou cela peut être à l'occasion dans une faille qui rejoint les strates aquifères, jusque près de la surface. Quand cela se produit, le monitoring microsismique peut ne rien détecter du tout.
Finalement, une statistique qui dit tout: le monitoring ajoute au forage des coûts importants qui sont payés à un sous-traitant spécialisé. Les données compilées pour les 75000 opérations de fracturation hydraulique aux USA, données disponibles pour l'année 2009, montrent que le monitoring microsismique n'a été effectué que dans 3% des opérations. Vu le faible prix du gaz, on a réduits les coûts - Alors où est le contrôle?

7-La réalité sur l'épaisseur de couverture pour protéger les nappes.

L'industrie répète toujours que les puits artésiens qui s'alimentent dans la nappe phréatique et qui descendent au maximum à 100m de profondeur, sont encore bien loin de la grande profondeur des couches de l'Utica, là où se passe la fracturation hydraulique; "il y a toujours mille mètres, parfois bien plus, de roc entre le bas de la nappe et la zone où s'effectue la fracturation", donc c'est impossible qu'il y aît jamais de contact, disent-ils. Il y a beaucoup de petits vidéos sue la Toile (WEB) qui expliquent tout le procédé de forage et la fracturation qui suit, tout cela dans ces petits film d'animation avec une vision où tout semble se dérouler comme par magie, parfaitement contrôlé (Vision "Disneyland" d'un forage idéal)
La réalité est tout autre dans chacun des aspects de ces techniques; le sujet No 5 a présenté une analyse des problèmes affectant la mise en place des coulis de ciment qui ne bouchent à peu près jamais correctement les puits; regardons maintenant les problèmes liés au processus de forage lui-même. Plutôt que de vous montrer un dessin d'animation, regardons le cas d'un forage réel foré à quelques Km de Trois-Rivières par la cie Forest Oil Ltd. On n'en a pas vu beaucoup des données réelles, profitez-en !

Figure 3- Le puits Champlain 1H vu en coupe (il a été repris 80m plus haut que prévu en raison de pépins techniques).

Le diagramme montre les données réelles mesurées par arpentage dans le forage A-265.  Il y a 35 m d'écart entre le forage qui était prévu et le forage réel; 35 mètres plus vers le haut; plus de 100 pieds. C'est l'ordre de grandeur qui montre bien la difficulté de diriger cette technique de forage horizontal. Ce que les foreurs appellent "Total Depth" dans leurs documents techniques devrait dans la réalité être désigné beaucoup plus précisément per l'expression Longueur Totale Forée. Méfiez-vous donc des données publiées sur le site du MRNF à propos des "profondeurs" des puits, car ils reprennent telle quelle cette mystification; par exemple pour le puits A-265 Champlain 1H, ce "total depth" (profondeur totale) est indiquée 1482m. Or dans la réalité, c'est la longueur totale forée, car la profondeur au fond du forage c'est plutôt 599,8 m seulement (figure 2 tirée des vraies données du rapport de forage). Confusion savamment entretenue?
Entre le bas d'une nappe à -100 m de la surface et le haut de la zone fracturée (en rouge, environ 90 au dessus et 90m en dessous du forage horizontal), il reste dans ce cas précis, moins de 400 mètres; c'est très différent de ce que proclame l'industrie. C'est le plus inquiétant, car dans un prochain article, on présentera des données réelles qui montrent que la pénétration verticale de la fracturation hydraulique peut à l'occasion avoir dépassé 1000, voire 1500 pieds, dans plusieurs cas aux USA.
Pour ceux qui s'inquiètent et qui s'interrogent des déviations de forage dans ce type de techniques nouvelles, je peux vous préciser que dans ce cas-ci la déviation verticale a été, malgré ce qu'on pourrait penser, assez bien contrôlée dans les limites de la technologie. Quant à la déviation à l'horizontale pour ce même forage, la voici dans ce diagramme montrant l'écart entre ce qui était prévu, et ce que le forage réel a donné: un écart latéral du même ordre de grandeur (35m), car la déviation horizontale va de - 10 à + 25 mètres:

Figure 4 - La déviation à l'horizontale dans le puits Champlain 1H.

Pour compléter l'information sur ce puits foré en 2008, voici la carte de localisation à 12 Km de Trois-Rivières:

Figures 5 - La localisation du puits Champlain 1H.

Le puits est indiqué par les deux positions d'arpentage: P  indique la position de la tête du puits en surface; B  donne la localisation du bas du forage, le fond du trou qui est à un peu moins de 600m sous la surface.

La zone agrandie dans la figure plus bas, montre en rouge l'étendue probable de l'extension de la zone fracturée, sous 600m de profondeur. Le rectangle bleu indique pour la surface la zone avec un périmètre plus large où un suivi serré doit être effectué. Il y a une inconnue qui demande pour le secteur une cartographie des directions d'écoulement de la nappe phréatique; cela se fait avec des courbes de niveau de la nappe - courbes isopièzes. Les flèches bleues donnent une indication de la direction probable de cet écoulement: à confirmer sur le terrain. Tout fluide (gaz, eaux contaminées remobilisées, etc) suivra en arrivant dans le nappe, la direction de l'écoulement des nappes).

Figures 6 - La zone hydrogéologique à cartographier en priorité autour du puits Champlain1H.


8- L'extension réelle de la fracturation hydraulique. 

C'est là une question essentielle pour laquelle l'industrie gazière proclame qu'elle exerce un parfait contrôle et que la fracturation hydraulique demeure toujours à l'intérieur de la couche de shale ciblée. Nous ne présenterons ici que des documents de l'industrie qui contredisent totalement cette affirmation. Tout d'abord, rappelons que nous avons analysé dans le sujet 6 ci-dessus le processus de contrôle microsismique, qui n'en est pas vraiment un. Il est utile néanmoins, car en compilant les extensions détectées pour deux grands gisements de shale gazifère aux USA (le shale Barnett au Texas et le shale Marcellus en Pennsylvanie et États voisins), on constate que l'extension verticale au-dessus des forages, peut atteindre 1800' (550m) dans chacun de ces deux shales, bien au delà de la valeur cible (900'/2 = 450 pieds et 500'/2 = 250' dans le Barnett - figure ci-dessous):












Figures 7 - Compilation des extensions verticales de la fracturation hydraulique dans le Barnett au Texas.




Pour le shale Marcellus, les valeurs compilées sont du même ordre: on vise à fracturer sur 400' au-dessus du forage, mais on obtient localement bien plus: 1800' et 1600' selon les opérateurs et selon les régions:












Figures 8 - Compilation des extensions verticales de la fracturation hydraulique dans le Marcellus.


Ces deux figures sont tirées de - K.Fisher 2010, July 2010, American Oil and Gas Reporter. L'auteur veut y démontrer que même avec ces extensions incontrôlées, le bas des nappes à 1000 ou 1300' est encore loin de l'extension des zones fracturées. Une conclusion un peu optimiste, car on ne montre dans ces diagrammes que le résultats des mesures microsismiques. Cela ne teint pas compte de la présence de failles et/ou de fractures naturelles qui s'ouvrent en traction pure sous la pression et qui peuvent être mises en communication avec les nappes. Ces phénomènes ne sont pas détectés et l'analyse de Fisher 2010 n'en tient aucunement compte.

L'extension du fluide de fracturation de façon incontrôlée bien au-delà de la zone où on croit opérer, résulte de la présence de la fracturation naturelle. Plutôt que de se limiter à produire des fractures de façon uniforme dans une seule couche, comme le montrent les petits dessins animés de l'industrie, le liquide sous pression s'injecte principalement dans des fractures naturelles et les ouvre sur de grandes distances.
Les données pour les forages au Québec ne sont pas encore disponibles, mais on peut légitimement constater que dans le forage Champlain 1H, si la zone en rouge (figure 6) que nous avons fixée à 90m d'extension (valeur donnée par l'APGQ) pour l'extension de la fracturation hydraulique, peut en fait avoir atteint localement la même valeur qu'au Texas (550 m - figure 7) ou en Pennsylvanie (485 m - figure 8) en raison là aussi de la présence des fractures naturelles, on arrive directement jusqu'à la nappe phréatique avec le même processus !


9- Les séïsmes induits par la fracturation hydraulique.

Il y a de plus en plus de cas où on signale comme un lien de cause à effet, l'apparition de séïsmes dans un secteur voisin d'une opération de fracturation hydraulique. Les séïsmes induits par une opération d'injection de liquide dans un forage profond constituent des phénomènes connus et bien documentés depuis les années soixante, le cas le plus célèbre étant le Rocky Mountain Arsenal à Denver (réf.1). L'injection profonde de grandes quantités de déchets liquides dans des roches granitiques, comme à Denver en 1967, est une technique utilisée fréquemment, à laquelle est associé un risque de séismicité induite. La fracturation hydraulique dans un type de roche complètement différent, les shales, n'est pas susceptible à priori de produire le même effet. On a pas à craindre que dans les Basses-Terres du St-Laurent, la fracturation de l'Utica déclenche des tremblements de terre dommageables ou désastreux. La principale zone séismique au Québec est la région de Charlevoix et elle est est à trop grande distance pour qu'un effet s'y fasse sentir.
Mais malgré ces considérations géologiques, il n'est pas possible d'exclure totalement l'association causale fracturation hydraulique et séïsmes. Deux études géomécaniques arrivent à démontrer la "très haute probabilité" dans des séïsmes survenus en Grande-Bretagne (réf.2) et en Oklahoma (réf.3). Dans le premier cas, le plan de faille a glissé à l'emplacement même du forage, dans le second, les séïsmes sont à quelques Km du puits. Ces deux rapports officiels par les services géologiques concernés restent "prudents" dans leurs conclusions, malgré les évidences absolument très fermes. Imaginez ici si le service géologique du Québec (MRN) devait conclure de façon absolue à un blâme total et contre les cies gazières. Nul doute que le MRN utiliserait prudemment les mêmes termes"très haute probabilité" plutôt que "démontré de façon absolue".


Figures 9 - Carte des épicentres et leur profondeur, à qq Km à l'Est du puits (adapté de réf.3).



Figures 10 - Les épicentres, le puits et la zone de fracturation hydraulique théorique vus en coupe (adapté de réf.3).

Dans le cas très probant survenu en Oklahoma (fig. 9 et 10, ci-dessus), le forage est vertical uniquement et la fracturation qui a déclenché les séïsmes se faisait au bas du forage; les 43 séïsmes sont tous survenus, sauf un, dans une courte période de 24 heures, qui suivait la fracturation. Aucun doute n'est possible sur la propagation de pression d'eau à plus de 2000 m de distance, jusqu'au lieu des ruptures, par l'entremise des discontinuités géologiques. Deux mille mètres, c'est au moins huit fois plus loin que la distance théorique de pénétration de la fracturation hydraulique. Une preuve manifeste ici encore que l'industrie ne contrôle absolument pas l'extension de la fracturation, ni ses conséquences.

Il importe de noter deux choses: les séïsmes en question sont de faible magnitude la plupart du temps.
1- Le shale emmagasine moins d'énergie élastique qu'un granite par exemple.
2- Le volume de roc qui se rupture n'est pas du même ordre de grandeur que dans le cas d'un grand séïsme.
On ne doit donc pas s'inquiéter outre mesures de ces séïsmes. Mais par contre, il y a une observation très importante à faire: la distance entre le puits et les séïsmes (2 à 4 Km) montre bien que l'effet de l'injection du liquide dans la fracturation hydraulique ne se limite pas à 200 ou 300 m du puits, encore moins à la valeur de 30 m donnée par l'industrie dans sa propagande. Le liquide en pression s'infiltre dans des failles déjà présentes et la pression d'eau dans ces failles de 2 à 4 Km de distance augmente de façon significative. Dans des contextes géologiques très particuliers, cela semble suffisant pour déclencher des séïsmes de faible magnitudes, à bonne distance du lieu d'injection. Cela demeure heureusement un phénomène d'importance marginale et peu fréquent. Par contre, ces valeurs de distance (2000 à 4000 m) sont donc bien plus grandes encore que les distances (550m) analysées au sujet précédent (figures 6 et 7). Les cas où le fluide de fracturation s'infiltre bien loin du forage sont bien plus nombreux et ne se limitent pas aux seuls cas où cela produit des séïsmes. En effet, un séïsme se produit assez rarement et uniquement si d'autres conditions géologiques sont réunies (état des contraintes, etc.). La pression qui s'infiltre à grande distance dans une faille naturelle constitue le cas général en présence de faille (autre exemple concret). Même si cela ne produit pas de grand séïsme, cela ouvre une voie de circulation pour les fluides (méthane et eaux sursalines) et par voie de conséquence un réel risque de pollution des nappes phréatiques. L'industrie du gaz de schiste nie cette évidence; heureusement des séïsmes mineurs surviennent pour la leur rappeler.

Des données plus récentes (réf. 4  et 5) laissent cependant prévoir que plus on examinera avec soin l'impact des opérations de fracturation et d'injection profonde pour disposer des eaux de fracking, on trouvera des preuves tangibles de liens de cause à effet. L'impact réel est sans doute encore très mal connu et probablement sous-estimé.

Références citées:
1- Hsieh & Bredehoeft, 1981 Reservoir analysis of the Denver earthquakes: A case of induced seismicity, J. Geophys. Res., pp. 903-920.

2-  De Pater & Baisch, nov. 2011, Geomechanical Study of Bowland Shale Seismicity, 57 p.

3- Holland, 2011 Examination of Possibly Induced Seismicity from Hydraulic Fracturing in the Eola Field, Garvin County, Oklahoma Geological Survey Open File Report, 28 p.

4- Seismological Society of America, 2016. Fracking Linked to Most Induced Earthquakes in Western Canada, Seismological Research Letters 29 mars 2016

5- Walter et al. 2016, Earthquakes in Northwest Louisiana and the Texas–Louisiana Border Possibly Induced by Energy Resource Activities within the Haynesville Shale Play. Seismological Research Letters, Volume 87, Number 2A,  March/April 2016 10 p.



10- Questions sémantiques: Shale ou schiste? Coffrage ou tubage?:

Plus précisément doit-on utiliser l'expression "Gaz de schiste"  ou  "Gaz de shale". La réponse est facile: l'expression "gaz de shale" n'existe tout simplement pas en français, bien que certains géologues tentent inutilement de l'imposer.  L'expression anglaise "shale gas" se traduit correctement en français par "gaz de schiste", qui est l'expression en usage depuis toujours. Le "gaz naturel", le "gaz des marais", le "gaz de houille" (aussi nommé "grisou"), le "gaz de schiste", sont autant de formes qui désignent des sources géologiques différentes de méthane, le composant principal de ces gaz.

Pour nommer les roches, les géologues d'Amérique du Nord désignent l'Utica par le terme"shale", anciennement appelé "schiste argileux"; le mot "shale" est le bon mot pour désigner la roche, même si ailleurs dans la francophonie, plusieurs autres géologues préfèrent conserver l'usage de l'expression "schiste argileux" pour désigner les mêmes types de strates sédimentaires. Le mot "schiste" sert essentiellement à désigner un autre type de roches dans lesquelles on ne retrouve pas de méthane. Mais les désaccords terminologiques sur les noms de roches entre spécialistes d'un côté ou l'autre de l'Atlantique n'ont aucune pertinence pour trancher une question essentiellement linguistique. C'est d'ailleurs un faux débat, car on confond deux problèmes: celui du contenant et celui du contenu.  Le contenu, le gaz, cela s'appelle et cela s'est toujours appelé du "gaz de schiste".  La façon de nommer le contenant, c'est du ressort des spécialistes, les géologues en l'occurrence; ils ont choisi de ne plus utiliser les expressions schiste et schiste argileux pour l'Utica et les roches semblables en adoptant en français le mot shale; c'est très bien comme ça, mais cela ne peut pas changer une expression linguistique déjà bien établie "gaz de schiste".

Une analogie pour bien distinguer le contenant du contenu: on a de tout temps utilisé  l'expression "verre d'eau"; l'apparition des godets de carton ou de styromousse n'ont pas changé nos verres d'eau en godets d'eau, et encore moins en  eau de styromouse  dans le langage courant.

Tout comme on peut transvider l'eau d'un contenant à l'autre sans que cela change quoi que ce soit dans la nature de l'eau, le méthane dans le shale peut migrer vers d'autres types de roche et changer ainsi de contenant, mais il sera toujours plus précis de le nommer par son origine.  Le gaz de schiste reste du gaz de schiste, même rendu dans le gazoduc. Certains pro-gaz se ridiculisent en ce moment en tentant d'associer leurs opposants à des ignares, parce qu'ils utilisent l'expression gaz de schiste  alors que eux, "experts en géologie", parlent de  gaz de shale. Tout les organismes officiels du Québec (BAPE, ÉÉS, etc.) et d'ailleurs ont tous utilisé l'expression gaz de schiste, et non pas  gaz de shale. On peut en rester là et s'accorder sur ce point, lequel relève avant tout d'une question linguistique, ou plus précisément de la sémantique.

Et pour le pétrole? Dans le cas du pétrole qu'on trouve dans le shale, l'expression correcte est "pétrole de roche-mère". C'est descriptif, c'est rigoureusement exact au point de vue scientifique et l'expression décrit bien l'origine. L'expression "pétrole de schiste" est dans ce cas-ci à éviter; elle n'est pas implanté dans le langage courant comme l'est "gaz de schiste"; on a donc pas intérêt à reproduire l'historique qui a mené à "gaz de schiste".

Cette question linguistique shale ou schiste est au final d'importance mineure, mais il y a deux autres mots par contre qu'on voit ces jours-ci employés à tort et à travers, et ce qui est plus sérieux, ces deux erreurs d'emploi de mot juste viennent de rapports gouvernementaux (MDDEFP et ÉES en particulier). Les deux mots employés à tort, car ils désignent autre chose, c'est BÉTON et COFFRAGE. À maintes occasions on écrit "le coffrage des puits" et souvent on trouve pas très loin le "béton" qui remplit l'espace annulaire dans le trou du forage. Un coffrage, c'est en ingénierie et en construction une paroi temporaire qui sert à former un élément de structure dans le volume délimité par ce moule (coffrage). Une fois le béton durci, on enlève le coffrage. Dans un puits, pour exploiter des hydrocarbures par exemple, le terme anglais casing se traduit en français par le mot tubage. Les tubages d'acier sont les éléments principaux et PERMANENTS des puits; pas question de les enlever une fois le coulis de ciment durci comme ce serait le cas si c'était des coffrages. Oubliez donc SVP le mot coffrage, qui est employé à tort dans le contexte des puits; les "casing" sont des tubages.

C'est bien un coulis de ciment qui est mis en place pour remplir les espaces annulaires dans les puits; c'est jamais du béton, qu'il serait impossible à injecter dans des espaces aussi minces. Il n'y a qu'un espace étroit quelques centimètres entre le tubage et la paroi rocheuse du forage et cet espace à injecter s'étend sur 1000 , 2000m, parfois 3000m de long.

Donc l'emploi du mot coffrage est une incongruité dans le cas des forages, tout comme désigner un simple coulis de ciment par le terme de béton. Deux erreurs qui traduisent en fait des mauvaises compréhension de la technologie et cela jusque dans les rapports des services techniques des ministères à Québec.

Il y a dans la construction des puits deux endroits bien spécifiques où on utilise du vrai béton: la plateforme en surface pour faciliter le travail à la tête du puits. Aussi en fin de production, dans l'intérieur du tubage de production on mettra en place sur 30 mètres un remplissage du béton pour boucher le puits. Partout ailleurs, c'est jamais du béton.