dimanche 30 janvier 2022

Coût de "nettoyage des puits" orphelins au Canada

 Le 25 janvier 2022 , le bureau du directeur parlementaire du budget à Ottawa a publié un rapport intitulé: 

COÛT ESTIMATIF DU NETTOYAGE DES PUITS DE PÉTROLE ET DE GAZ ORPHELINS DU CANADA    

On ne traite ici que d'une petite sous catégorie des puits de pétrole et de gaz présents sur le territoire du Canada, principalement dans les provinces de l'Ouest: Alberta, Saskatchewan et Colombie-Britannique; cette sous-catégorie se nomme puits orphelins. Il y en avait ~1000 en 2010 et il y en avait ~10000 en 2020. Les puits orphelins n'ont plus de propriétaires responsables, autre que le gouvernement. Ce nombre d'orphelins augmente de façon exponentielle avec les années, et c'est pour cela que le gouvernement s'alarme. Le rapport est intéressant mais technique à lire; je reproduis ci-dessous son résumé qui en donne le contenu essentiel:

"Les puits terrestres pétroliers et gaziers classiques du Canada sont principalement situés en Alberta et en Saskatchewan. Ensemble, ces deux provinces représentent 91 % de la production classique terrestre de pétrole et de gaz au Canada, comptant au total quelque 600 000 puits.

Au cours de la dernière décennie, il y a eu une augmentation marquée du nombre de puits inactifs et colmatés en Alberta et en Saskatchewan. À l’heure actuelle, seulement 35 % de tous les puits en Alberta et 39 % de tous les puits en Saskatchewan sont actifs, ce qui constitue les taux les plus faibles jamais enregistrés.

Les organismes de réglementation provinciaux exigent que les entreprises pétrolières et gazières ferment les puits inactifs. Les puits d’une entreprise sont considérés comme orphelins dans le cas où il n’y a pas d’exploitant connu et financièrement viable qui soit capable de s’acquitter des responsabilités environnementales associées à la fermeture de ceux-ci.

En Alberta, le nombre total de puits orphelins est passé d’environ 700 en 2010 à 8600 en 2020. De même, en Saskatchewan, il est passé d’environ 300 en 2015 à 1500 en 2020. Comme le nombre de puits orphelins augmente, le coût prévu du nettoyage des passifs environnementaux croît aussi. Cette hausse des coûts pose un risque non seulement pour l’équilibre financier des provinces, mais aussi pour celui du gouvernement fédéral.

En 2020, le gouvernement fédéral a versé 1,7 milliard de dollars aux gouvernements de l’Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique pour financer le nettoyage des puits de pétrole et de gaz inactifs dans le cadre du Plan d’intervention économique en réponse à la COVID-19. Étant donné que le nombre de puits orphelins continue d’augmenter, il faudra probablement faire appel à des sources de financement industrielles, provinciales et fédérales pour couvrir les coûts de nettoyage.

Le DPB estime le coût du nettoyage des puits orphelins à 361 millions de dollars, à l’échelle nationale, en 2020. Ce coût cumulatif devrait atteindre 1,1 milliard de dollars d’ici 2025. L’estimation ne vise que la production classique terrestre de pétrole et de gaz et n’inclut pas les coûts potentiels de nettoyage des sables bitumineux."

Je me dois de faire ce commentaire sur le titre (et le contenu) du document; on utilise le mot NETTOYAGE des puits, ce qui signifie essentiellement qu'on "nettoie" le sol contaminé autour du puits et, 2e étape qu'on remet le site en état (Assainissement et Remise en état, p. 10 du rapport).  C'est très limité comme vision, très insuffisant pour gérer ce problème et surtout cela sous-estime les coûts de la gestion des puits à moyen et long terme. La vision de la gestion du problème dans ce rapport s'apparente à dire que si vous avez un gros réservoir plein d'huile qui coule par un trou et qui tache la pelouse, vous aller envoyer une équipe qui va essuyer et nettoyer la partie extérieure du réservoir et qui va aussi remplacer le gazon et la terre qui a absorbé l'huile de la fuite.

Décennies après décennies, ce gros réservoir va se corroder et les écoulements vont se renouveler en nombre croissant. Le plan d'intervention ne s'attaque pas du tout à la cause des fuites.

J'ai écrit plusieurs textes sur le devenir des puits après la fin de la production. Je peux résumer ma vision de la problématique en quatre points:
1) Après la production commerciale, beaucoup d'hydrocarbures demeurent dans le substratum, particulièrement dans le cas des gisements non conventionnels exploités par la fracturation hydraulique, où le ratio d'extraction est très faible.
2) Il est impossible de remettre le substratum dans son état d'origine; les trous de forages et la fracturation ont rendu le massif de roc perméable.
3) Les bouchages des puits n'ont pas une efficacité totale; de plus les puits se corrodent avec le temps.  L'écoulement se poursuivra tant qu'il y aura ces deux éléments: une source d'hydrocarbures et des conduits potentiels.
4) Intervenir sur un puits inactif et corrodé pour en colmater les fuites peut représenter des coûts supérieurs aux coûts de sa construction. Ces travaux eux-mêmes n'auront qu'une durée de vie limité; ce sera à refaire après quelques décennies. Le coût de gestion des puits d'hydrocarbures sera prohibitif à moyen terme. Les seuls puits qui ne posent pas de problèmes sont les puits qui n'ont pas été forés.

L'évaluation faite par le bureau parlementaire du budget se fie aux chiffres qui au final originent de l'industrie; c'est ainsi qu'à la page 10 du rapport ils estiment les coûts de colmatage à 58000$/puits et 28000$/puits pour le nettoyage. Vous demanderez aux générations futures ce qu'ils penseront de ces estimés.