mercredi 11 août 2021

Projets GNL en Colombie-Britannique

Le projet GNL Québec est bien mort et enterré, mais ce n'est pas le cas ailleurs au Canada où des projets similaires sont à divers degrés d'avancement. L'expansion se poursuit dans la production et l'exportation de gaz de l'Ouest produit principalement par la fracturation hydraulique. Ce gaz est destiné aux marchés asiatiques notamment.


Après avoir signé des ententes pour le partage de redevances, certaines premières nations de Colombie Britannique participent activement à ces projets sous forme d'accord pour l'utilisation de territoires sous leur gestion. Tout les projets n'aboutissent pas cependant. Le projet Steelhead à Sarita Bay sur la côte ouest de l'île de Vancouver, qui avait été lancé en 2017 avec l'appui de chefs autochtones locaux, a finalement été annulé en 2019.


Il y a d'autres projets dans la région de Kitimat, près de la frontière avec l'Alaska. Ils se situent dans l'encadré rouge situé à la hauteur de la formation géologique Montney dans la figure 1 ci-dessous; ils sont beaucoup plus près des secteurs géologiques où se fait la production. La figure 2 montre plus en détails le secteur du rectangle rouge.


Figure 1  Carte du Nord de la Colombie Britannique montrant les quatre ensembles géologiques d'où le gaz est extrait par fracturation hydraulique: Montney, Horn River, Liard et Cordova. Le Montney est actuellement la plus importante zone de production. La zone indiquée par le rectangle rouge est agrandie dans la figure suivante.
Figure 2  Zone agrandie pour montrer le site du projet à Wil Milit près de Gingolx, à 80 km au nord de Prince Rupert.

Quelques semaines seulement après que la communauté de Lytton ait enregistré un record historique de chaleur au Canada (47,9°C), puis avoir finalement été détruite par un incendie, (un parmi les centaines d'autres qui ravagent la Colombie Britannique), des investisseurs industriels déposent encore des projets pour permettre l'expansion de la production de gaz dans cette province.  Le tout récent projet Ksi Lisims LNG à Wil Milit est présenté par ses promoteurs comme un projet "carboneutre" qui utilisera de l'énergie propre (hydroélectrique) pour produire 12 millions de tonnes/an de gaz naturel liquéfié, à partir de 2027. Comme GNLQ, l'usine de liquéfaction se situe au fond d'un fjord magnifique, mais à la différence du projet au Québec, l'installation projetée sera flottante. Les promoteurs utilisent un copié-collé de tous les arguments fallacieux entendus pour GNLQ.

Un autre projet, celui de LNG Canada de Shell est en cours de construction à Kitimat, ainsi qu'un long gazoduc (Costal GasLink) associé à cette usine de liquéfaction. Un deuxième projet à Kitimat, piloté celui-là par Chevron Corp. a de son côté été abandonné en mars 2021.

Il y a eu d'autres projets déposés auprès de l'Agence canadienne d'évaluation d'impact, dont le projet qui devait être développé en deux phases à Ridley Island dans les installations portuaires de Prince Rupert. La capacité de traitement prévue dans ce cas (21 millions de tonnes/an de gaz liquéfié), monte au double de ce que visait GNLQ au Saguenay.

On peut donc constater que malgré les cris d'alarme des scientifiques, malgré les signes très concrets de l'impact des gaz à effet de serre, notamment les incendies en Colombie Britannique, les promoteurs de l'expansion de l'industrie gazière dans cette province continuent de préparer des projets qui visent tous à augmenter la capacité de production et de transport de gaz au Canada. C'est en totale contradiction avec la recommandation récente de l'Agence Internationale de l'Énergie qui indique qu'il ne faut plus investir dans des nouveaux projets de combustibles fossiles.

lundi 9 août 2021

6e Rapport du GIEC - partie du groupe de travail no I

Le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sera publié en 2022, mais une partie de son contenu est disponible aujourd'hui. Le GIEC fonctionne avec trois groupes de travail:

Groupe I – Éléments scientifiques du changement climatique : l’évolution passée du climat et son évolution selon divers scénarios d’émissions de gaz à effet de serre.

Groupe II – Incidences, adaptation et vulnérabilité : analyse des conséquences pour les écosystèmes (naturels, agricoles) et l’impact de ces conséquences pour les sociétés. Le groupe se penche aussi sur adaptations possibles face à ces impacts.

Groupe III – Atténuation du changement climatique : ce dernier groupe s’adresse directement aux décideurs, car il élabore et suggère les politiques qui tenteront de limiter la hausse des températures durant les prochaines décennies

C’est le groupe I qui vient de publier son rapport ce 9 août 2021: "Climate Change 2021: The Physical Science Basis"*; il s'agit d'un texte qui reste à être approuvé et adopté par le GIEC. Les rapports des groupes II  et III sont attendus un peu plus tard dans les deux prochains mois. Ces trois rapports serviront à préparer en 2022 le sixième rapport de synthèse qui devrait être publié en mai 2022.

En tant que scientifique, je m’intéresse plus particulièrement aux travaux du groupe I  qui analyse la physique du climat terrestre. Ces experts analysent une quantité impressionnante de données physiques mesurées partout sur le globe. Ils ont raffiné depuis 1990 les modélisations de l’évolution du climat selon divers scénarios, en y incluant évidemment les projections dans les apports anthropiques; on pense notamment aux gaz à effet de serre dont les principaux sont le CO2 et le CH4. 

Depuis trois décennies, les projections initiales ont été confirmées par des millions d'observations; là où on disposait de moins de 2000 stations de mesures de température terrestre par exemple, ils disposent maintenant des données de 40 000 stations. Les outils de modélisation sont maintenant dix fois plus détaillés (le maillage de 500m est maintenant passé à moins de 50m). La modélisation de plus englobe un éventail bien plus large de paramètres physiques. La figure ci-dessous place côte-à-côte les évaluations et les sources de données physiques en 1990 et 2021:


Le présent rapport fournit de façon très détaillée la base scientifique sur laquelle se construit toute la suite d'analyses de l'impact des  activités humaines sur le climat. Il est primordial d'y accorder la plus grande attention. Il y a encore des puissants groupes d'intérêt industriels qui entretiennent des théories négationnistes et qui s'efforcent de faire passer les analyses du GIEC comme des hypothèses contestables. Les négationnistes sont à ranger dans la même boîte que les anti-vaccins et les conspirationnistes de tout acabit; ce sont avant tout des anti sciences dont l'action va continuer à retarder les prises de décision, pourtant urgentes, pour l'avenir de l'humanité.

Ce rapport insiste aussi beaucoup sur le rôle du méthane, souvent au second plan car on a de tout temps associé le réchauffement au CO2. Autre point du rapport: le stockage du carbone a été présenté par certains comme une solution (solution qui ne concerne que le CO2 et pas du tout le méthane), or c'est une solution ponctuelle qui peut aider certaines industries à réduire leur empreinte CO2, mais ce n'est pas la panacée que d'aucun ont envisagée. Il faut impérativement que les politiciens et tous les décideurs en poste prennent véritablement en compte les données scientifiquement validées du GIEC et aillent plus loin que les belles paroles. Ces données ne sont plus des hypothèses, mais bien des réalités scientifiquement établies.

Il y a dès maintenant une mesure urgente à adopter au Québec: nous venons de passer les dix dernières années à perdre temps et ressources pour débattre et analyser des projets de production de gaz de schiste dans le Shale d'Utica, de production de pétrole de schiste à Anticosti et dernièrement une usine de liquéfaction au Saguenay pour l'exportation de gaz de schiste de l'Ouest canadien. Heureusement aucun de ces projets farfelus ne s'est concrétisé, mais pendant ces dix ans, la situation décrite par le GIEC a considérablement empiré. La mesure que le gouvernement du Québec doit adopter c'est de faire table rase et mettre à la poubelle toutes ses interventions réglementaires** et législatives des dernières années, celles qui ont permis et favorisé ces projets. C'est à rayer définitivement du paysage, à commencer par les permis d'exploration d'hydrocarbures.

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* Pour l'instant, il semble que seule la version anglaise soit disponible; la version française devrait être disponible un peu plus tard, car le GIEC publie ses documents officiels dans six langues dont le français.

** Règlements (liste non exhaustive):
- les quatre règlements publiés en 2017 pour la loi sur les hydrocarbures
- le chapitre V du RPEP  (août 2014) qui traite de la fracturation hydraulique
     Texte de loi:  Le chapitre IV de la loi 106 qui constitue la Loi sur les hydrocarbures (LSH)