En cette dernière semaine de novembre 2012, la question des fuites revient dans l'actualité: TVA_Nouvelles Trois-Rivières
Des zones de faille ont notamment été recoupées par le forage; le rapport Molgat en mentionne aux profondeurs 1185m et 2235m, mais comme plusieurs carottages initialement prévus ont du être abandonnées en raison de problèmes techniques (déviation, frottement excessif sur les parois, etc), il est fort probable qu'on ne les a pas toutes identifiées.
Parmi la vingtaine de visites d'inspection (voir Note 1 plus bas) des puits de gaz de schiste, une seule visite concerne le puits de LaVisitation. Cette inspection faite en novembre 2010 signale des fuites, tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur du tubage principal:
Inspection faite le 11 nov 2010; son rapport signé le 4 février 2011. Talisman indiquait pour cette fuite 49 m3/jour en 2010. Qu'en est le débit aujourd'hui?
Qu'en est-il exactement lorsqu'on parle de fuites. Les inspections ont été très sommaires, incomplètes (des puits n'ont jamais été visités, des fuites connues ne se retrouvent pas dans les rapports). Les informations fournies par les compagnies dans les rapports qu'elles doivent obligatoirement déposer au MRN ont des contenus très variables; il n'y avait aucune obligation de contenu pour ces rapports. Les compagnies étaient libres d'y inclure ce qu'elles jugeait bon. Qu'est-ce qu'une fuite pour une compagnie: en bas de 300 mètres cubes par jour, l'industrie se préoccupe très peu des fuites. Elle qualifie plutôt cela d'émanations normales. Pourquoi cette valeur 300 m3 ? Cela correspond grosso modo à 10 000 pi cu. Perdre 10 000 pi cu ou moins par jour au prix du gaz à 3$/1000 pi cu, c'est en effet à leurs yeux une fuite négligeable ($).
Le méthane qui fuit dans l'atmosphère est un gaz plus léger que l'air; par contre on reconnait maintenant que comparé au CO2 il n'est pas que 22 fois plus nocif, car il a plutôt 28 fois (horizon 100 ans) et même 84 fois (horizon 20 ans) l'effet du CO2 comme gaz à effet de serre, comme l'a révisé récemment l'organisme GIEC rapport 2013 (voir aussi: Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC).
Dans la compilation des gaz à effet de serre, les procédés industriels, les émission des véhicules, etc, sont comptabilisés. Par contre tout ce qui touche à l'extraction, tant que le méthane n'est pas entré dans le réseau commercial de distribution, échappe à cette compilation; un privilère historique dont l'industrie pétrole et gaz bénificie et donc de facto une exemption relative aux émissions de gaz à effet de serre et à la taxe carbonne qu'on veut instaurer. C'est ainsi qu'un seul puits qui "perdrait" par exemple 300 m3/jour de méthane annule à lui seul le bénifice environnemental obtenu par les efforts de bonne conscience de plusieurs centaines d'acheteurs de voitures hybrides ou électriques (voir Note 2 au bas). Tant que le privilège historique demeure, tant qu'il n'y a pas de taxe méthane pour mettre un vrai coût sur ces fuites, elles vont demeurer des détails négligeables aux yeux de l'industrie. Le seul coût hypothétique est celui des avis d'infractions, lesquels sont émis de façon très sporadique, avec des menaces d'amendes à payer, mais qui n'ont que rarement été réellement appliquées, selon les rapports du vérificateur du Québec.
Le puits Talisman LaVisitation illustre bien cet état de faits: à la minute 0:33 du reportage (http://youtu.be/IaQG2S66VQs) on peut entendre un petit bijou d'anthologie de Talisman Energy pour décrire ce que la compagnie voit dans la fuite dans ce puits : "Ce n'est pas du gaz de production, donc c'est du gaz qui s'est logé dans la structure interne du puits, donc c'est du gaz qui est ventilé de manière sécuritaire dans l'atmosphère" ! Il dit explicitement que le méthane de cette fuite qu'on va tenter de colmater est du gaz qui a fui à l'EXTÉRIEUR du tubage de production, là justement où il ne devrait jamais y en avoir ! Ventiler ce gaz dans l'atmosphère est, dans la vision Talisman Energy, une bonne solution sécuritaire ! La fuite rapportée depuis 2010 est certainement là depuis la création du forage (2008); donc voilà plus de 4 ans qu'on ventile... Pas besoin de se presser, le MDDEP en 2010 n'a même pas émis d'avis après avoir constaté la fuite hors du tubage...
Note 1: À partir de la fin 2010 sous la pression du public, deux ministères ont commencé à inspecter les fuites sur les sites de forage. Vous pouvez voir une compilation des rapports d'inspection : compilation Inspection des puits MRN et compilation MDDEFP 2011*. L'information livrée par les ministères est de qualité déplorable, les photos illisibles, mais on y trouve malgré tout des perles, comme celle-ci:
... deux dernières lignes: "Fuite de gaz à l'extérieur du coffrage de surface, probablement du biogaz du marécage sous-jacent."
signé Jean-Yves Laliberté, ing. alors responsable au MRNF de la direction hydrocarbure & gaz de schiste, passé ensuite fin 2012 chez Pétrolia …Il a écrit ça en 2010, à la belle époque où c'était le mot d'ordre officiel du côté des cies gazières d'attribuer toutes les fuites de méthane à des marécages enfouis, qui comme par un malencontreux hasard se situaient toujours à l'emplacement des puits qui fuyaient (sic)! Manifestement donc cette théorie fumeuse avait aussi court à la direction du MRN. Talisman Energy ne prenait quand même pas de chances, car comme le note ci-dessus l'inspecteur du gouvernement, on lui a formellement servi une "interdiction de prendre des photos de la flamme".
Note 2: 300 m3/jour annule le bénéfice environmental d'environ 500 voitures électriques.
A titre de rappel, j'ai mis en ligne en 2011 un texte et un lien pour un reportage à Radio-Canada sur les fuites Découverte 17 septembre 2011. Dans le reportage de Découverte à la minute 2:40, on entend Mme Molgat y déclarer que les fuites de 190 m3/jour (= pollution de 300 voitures) au puits de Leclercville No1a HZ "Un débit comme ça, c'est considéré peu, c'est pas des débits significatifs, certainement des débits qui sont trop petits pour être mesurés, trop petits pour être mesurables ... c'est dans les meilleures pratiques de l'industrie de travailler comme ça..." Marianne Molgat.
190 m3/j = 190 000 litres/j = 132 litres/minute = 2,2 litres/seconde. Pas mesurable, pas observable ? Vraiment ? Ce serait pas plutôt juste pas important pour l'industrie, car ça fait juste $30 de gaz perdu, selon les meilleures pratiques (commerciales) de l'industrie.
* Note 2014: je suis désolé de constater que le rapports qui était accessible à ce lien WEB a été enlevé. Si quelqu'un en retrouve la trace, SVP veuillez m'en aviser. Par contre j'ai ces rapports transmis pour analyse par Martine Ouellet en 2011 (alors dans l'opposition).