Qu'en est-il des techniques alternatives? Des techniques qui ne seraient pas de la fracturation hydraulique?. Je donne tout de suite une réponse simple: il n'y en a aucune visible à l'horizon. Celles dont on parle ne sont pas des alternatives viables dans cette industrie. La fracturation hydraulique est, et demeurera dans tout l'avenir prévisible, la seule et unique option fiable et viable que l'industrie voudra utiliser.
Un texte de l'Agence France-Presse en 2013, largement repris par les médias d'ici (Cogeco nouvelles, La Presse Affaires, Le Devoir, Radio-Canada qui a été un peu plus précis) faisait état de ceci: Pétrolia compte fracturer le shale à Anticosti, qui recèlerait 40 milliards de barils de pétrole brut, en injectant du gaz naturel (sic) sous haute pression. Deux faussetés ici.
C'est une erreur d'écrire :"Les réserves ... sont estimées à 40 milliards de barils". Cette valeur de 40 milliard se rapporte à la quantité estimée de pétrole en place; c'est bien différent de la quantité de pétrole exploitable, qui serait environ 1% de cela, soit cent fois moins. Dans le domaine minier comme pétrolier, les "réserves" doivent être une évaluation de ce qui est contenu dans les volumes exploitables, délimités sur les titres miniers de la compagnie. Il est tout à fait inapproprié et abusif d'attribuer à Pétrolia un estimé de "réserves" de 40 milliards de barils !
Aussi, la fracturation au gaz naturel, cela n'existe pas. C'est de la fracturation au propane liquéfié (gélifié en fait) dont il est probablement question ici. C'est est un procédé proposé par la cie GasFrac* de Calgary qui a cherché de 2008 à 2014 à faire la promotion de sa technique, en compétition aux détenteurs des brevets de la fracturation hydraulique. Ici même au Québec Gasfrac a fait une démonstration limitée de sa technique en novembre 2009 dans le puits A251 de Junex à St-Augustin-de-Desmaures.
Il est assez dangereux de manipuler des tonnes de produits explosifs et un accident en 2011 a grandement refroidi l'intérêt pour cette technique. Toute l'opération demande un mode d'opération à distance; il n'y a aucun opérateur sur le site immédiat en raison de ce risque élevé (explosion 2011). Les paramètres des essais de fracturation qui ont été tentés n'ont pas été divulgués, à part un cas récent en Ohio où le responsable du puits a précisé que pour un coût a été très élevé (22 million U$), les résultats ont été décevants. Step Energy, qui a racheté GasFrac en mars 2015 après sa faillite, a depuis choisi de mettre ce procédé "aux boules à mites".
Les techniques alternatives on beaucoup de mal à s'implanter concrètement: c'est une est question de droits et brevets et surtout de rentabilité économique pour les exploitants de puits aux USA. La fracturation au propane gélifié (on écrit souvent aussi au LPG pour Liquid Propane Gas), se présente comme une technique offrant l'avantage de ne pas utiliser de l'eau, ce qui est en grande partie faux car les opérations de forage, ainsi que la fabrication du gel de propane, demandent beaucoup d'eau.
Depuis qu'il y a, comme en France (loi de 2011) des règlementations ou des lois qui limitent fortement ou qui interdisent la fracturation hydraulique, des promoteurs de tentent depuis ce temps de proposer des techniques alternatives. Les partisans de l'exploitation des hydrocarbures de shale dans les milieux politiques français fabulent sur les techniques alternatives de fracturation propres et sans risques pour l'environnement. "A beau mentir qui vient de loin": On décrit aux français ces nouveaux développements technologiques exceptionnels qui permettent un respect scrupuleux de l'environnement expérimentés avec succès au Canada ! Le comité sénatorial français en 2013 avait tenté de faire un inventaire de ces techniques très complaisant. Cependant, les industriels français eux-mêmes reconnaissent tous que la fracturation hydraulique demeure la seule technique économique, éprouvée et fiable pour leur industrie.
Cela n'a pas empêché encore récemment des promoteurs en France (ex. ministre Montembourg) de revenir avec une variante de la technique au propane trouvée aux USA, dans ce cas-ci. Depuis 2013, la firme ecorpStim dit faire de la recherche spécifiquement pour la France, avec l'heptafluoropropane (C3HF7), une variante non inflammable du propane où le fluor remplace 7 des 8 positions de l'hydrogène dans la molécule (ci-contre). Aucune utilisation réelle cependant n'a encore été réalisée et pour cause ! Ce gaz est un produit très coûteux et c'est aussi un des super gaz à effet de serre (facteur >3000 le CO2), qui a d'ailleurs été totalement interdit pour cette raison dans bien des usages industriels (ex. extincteurs chimiques). Ce serait le pire produit en fait à injecter dans le shale pour le fracturer: un bien mauvais début pour présenter la technique comme une alternative propre.
Les gros handicaps des techniques impliquant le propane relèvent d'un double problème d'acceptabilité:
- acceptabilité technique: dans un secteur industriel qui n'en a que pour la technique connue rentable, i.e. la fracturation hydraulique qui ne présente elle pas ce risque (et ces coûts) de manipulation de grandes quantités d'un produit hautement dangereux: le propane. Pour fracturer le shale dans un forage de 1000m ou plus, quel que soit le produit employé (eau ou propane) il faut injecter d'un seul coup un très grand volume. Quelques centaines de camions citernes d'eau à mélanger sur place avec quelques camions d'additifs dans le cas de la fracturation hydraulique, c'est déjà une opération complexe, mais réalisable. Si vous devez plutôt manipuler des volumes comparables donc énormes, mais de propane liquide ou en gel plutôt que d'eau, ce n'est pas une technique que vous pouvez gérer et faire accepter dans toutes les routes de campagne. Il faut bien le transporter, l'entreposer et le traiter sur place ce très grand volume; on ne parle pas ici de la bonbonne qui alimente votre BBQ !
- acceptabilité sociale: il est plus difficile encore de connaitre les additifs qui entrent dans la composition du gel de propane. Après des années, les autorités qui délivrent les permis ont enfin pu obtenir la liste des produits pour la fracturation hydraulique. On connait encore très mal l'effet environnemental de ces produits, car on commence à peine à étudier les impacts reliés aux divers produits utilisés dans la fracturation hydraulique. Avec le nouveau venu (fracturation au gel de propane ou avec l'heptafluoropropane) on en connait encore moins. Au départ, on sait qu'on a affaire à des produits très dangereux. L'ingrédient principal: le propane est plus réglementé et plus à risque que l'eau! La fracturation au propane est au départ moins acceptable que la fracturation hydraulique pour les autorités qui donnent les permis et qui réglementent cette industrie. Sans parler de l'opposition des groupes mobilisés contre la fracturation du shale. Voir circuler des citernes de propane sur les routes est encore moins rassurant que les citernes d'eau de fracturation hydraulique.
J'ai maintes fois analysé la problématique de la fracturation du shale pour y exploiter des hydrocarbures de roche-mère; les problèmes que je mets en relief sont tous liés à la fracturation artificielle et aux fuites qui seront présentes longtemps après l'abandon des puits et à la détérioration des puits laissés à l'abandon. Quelle que soit la technique (eau ou propane) ces conclusions sont les mêmes, car il faut fracturer le shale pour l'exploiter.
** Le journaliste C. Sabourin de l'AFP a inclus dans son texte des références politiques assez incongrues qui commencent ainsi: "Le Québec devrait produire cet automne ses premiers barils d'or noir, une manne pour son gouvernement indépendantiste qui vise la souveraineté énergétique, et la consécration pour Pétrolia, premier groupe pétrolier (?) de la Belle Province." Il fournit des anecdotes financières et judiciaires que semble lui avoir relaté le pdg de Pétrolia "...défaut de paiement du fonds d'investissement suisse Pilatus, co-fondé par l'ex-PDG d'Elf-Aquitaine Loïk Le Floch-Prigent avec l'homme d'affaire émirati Abbas Ibrahim Al Youssef (les deux hommes sont aujourd'hui en bisbille)...Je m'entends très bien avec Loïk, j'ai beaucoup d'admiration pour lui", dit M. Proulx. Malgré ses déboires avec la justice française... "Pilatus, dont la première intention était "d'acheter Pétrolia", s'était engagé à investir 20 millions de dollars dans le projet gazier pour lequel il ne versera finalement que "trois à cinq millions...". "Pour pomper le pétrole, il faudra le libérer de la roche-mère par la fracturation par injection de gaz naturel" (et non d'eau comme c'est le cas généralement), dit M. Proulx en visant un début de la production vers 2016". Bref, en cette fin de période creuse de l'été 2013, les médias qui n'étaient pas en vacances ont tous repris en coeur (faussetés incluses) ce qui aurait très bien pu rester un communiqué très quelconque du journaliste local de l'agence de presse française.
B) TECHNIQUES IMPLIQUANT D'AUTRES FLUIDES
Dans le passé, on a utilisé en un nombre limité d'occasion des fluides liquides (huile, pétrole) ou gazeux (azote, air, CO2, etc.) à titre expérimental pour fracturer le roc. Tout fluide injecté avec la pression suffisante pour dépasser la pression locale au point d'injection peut en théorie ouvrir des fractures existantes. Un surplus de pression pour vaincre la résistance en traction de la roche permet de créer des nouvelles fractures et/ou de prolonger des fractures existantes. Si on prends le cas d'une section de 1000m de forage horizontal dans laquelle on veut obtenir la fracturation du shale dans un rayon de 250m, il y a environ 20000m3 (20 millions de litres) à injecter pour ouvrir des fractures dans un volume de roc de plus de 60Mm3. Le volume relatif de fluide injecté/volume du massif de roc impliqué est environ 0,03% (20Km3/60Mm3). Une partie de ce volume injecté demeure comme volume de fractures ouvertes quand l'injection cesse: environ 0,01%. C'est peu, mais suffisant pour permettre une très grande augmentation de la perméabilité et par voie de conséquences, l'écoulement des hydrocarbures vers le puits. Le fluide injecté est sorti hors du puits, mais une bonne part demeure dans le roc, absorbé par la porosité naturelle de celui-ci.Vingt mille mètre cube de liquide ou de fluide comprimé à transporter, c'est environ six cent gros camions citernes de 35 m3 (beaucoup plus dans le cas du propane liquide où les camions sont limités à quatre ou cinq m3, ou plus de mille camions de taille standard à 15000 litres. L'eau a l'avantage de ne pas présenter trop de problèmes et de restriction de transport. Pour bien d'autres fluides, c'est plus complexe.
Outre le transport, la manipulation, la compression et l'injection du fluide est beaucoup plus problématique dans le cas où ce n'est pas de l'eau. L'efficacité du procédé pour que le fluide pénètre le plus loin possible loin dans le roc, dépend de plusieurs facteurs, notamment de la capacité du fluide à entrainer dans les fractures les petites billes solides (ou le sable) qui vont maintenir ces nouvelles fractures ouvertes quand l'injection cesse.
Toutes ces autres techniques avec divers types de fluide ont finalement été abandonnées. Seule la fracturation hydraulique avec quelques variantes dans la composition et la méthode d'injection de l'eau "slickwater" (traduction libre: eau superfluidité) est restée.
C) TECHNIQUE SANS FLUIDE
La technique de l'Arc électrique est un cas très particulier invoqué en France principalement. On doit la situer dans son contexte presqu'anecdotique. Très peu de temps après la promulgation de la loi interdisant la fracturation hydraulique, le pdg de TOTAL a rapidement annoncé avoir en main deux brevets pour une technique alternative: la fracturation par arc électrique. En fait TOTAL a utilisé les recherches d'une thèse de doctorat soutenue en 2010 par Wen Chen, chercheur en génie civil à l'Université de Pau. Cette thèse inclut un volet théorique et un volet d'expérimentation en laboratoire (photos ci-dessous tirées de la recherche de Chen 2010):
Il n'y a eu pas d'expérimentation dans le contexte réel de puits, ni d'estimé du coût de cette technique. L'arc électique produit une onde ce choc en compression qui fracture le roc. Cela fonctionne pour l'instant sur des échantillons le laboratoire dont la taille ne dépasse pas 20 cm. Il n'y a aucune chance que cela soit applicable en profondeur et dans un grand volume de roc. En profondeur le roc est très résistant en compression. Le courant et le voltage devraient être très élevés. Un coût probablement prohibitif pour une efficacité à peu près nulle pour cette technique. Pas une alternative, vraiment.