Voici une vue d’ensemble de l’exploration, de la fracturation et de la production de gaz de schiste en Chine, complété à la fin de ce texte par une analyse sommaire de la technique de fracturation à l'azote liquide et de l'application de cette technique en Chine.
Contexte national & avancées technologiques
- Production et réserves:
En 2019, la Chine a extrait ~15 Gm³ de gaz de schiste (≈ 8,7 % de la production de gaz naturel totale du pays). En 2024, la Chine a produit 246 Gm³ et elle a consommé 425 Gm³. Cette consommation est en augmentation. L’essentiel (94,5 %) provient du bassin du Sichuan (Fuling, Weiyuan, Changning).
Les réserves prouvées nationales atteignaient ~2 000 Gm³ en 2020 . - Poussée vers les formations profondes:
Depuis 2018, percements réussis dans des formations à plus de 4 000 m de profondeur (Qiongzhusi, Wulalik, Dalong...) avec des taux de production journaliers de plusieurs dizaines de milliers de m³. Cela montre l’entrée en phase de production commerciale dans ces corridors profonds. - Techniques & innovations:
La fracturation hydraulique domine, mais la Chine développe aussi des techniques à l’azote liquide (waterless fracking), particulièrement dans les zones arides (Xinjiang, Mongolie Intérieure), pour réduire la consommation en eau et l’impact environnemental.
Principaux champs de gaz de schiste en production
Champ (opérateur) |
Découvert en |
Prod. débute en |
Production journalière |
Réserves prouvées |
Profondeurs/des formations |
Remarques |
Fuling Sinopec |
2012 |
2014 |
~25 Mm³ ≈ 970 Mpi³ |
900–1000 Gm³ |
formations Siluriennes Longmaxi/Wufeng |
Premier champ commercial, >60 b=Gm³ cumulés |
Anyue (Sinopec) |
2014 |
2014 |
~11 Mm³ ~383 Mpi³ |
~440 Gm³ |
Sichuan – réserves conventionnelles |
Second site majeur |
Yuanba Sinopec |
2011 |
2015 |
~9.3 Mm³ ~325 Mpi³ |
~160 Gm³ |
Sichuan basin |
Réserves plus petites |
Weiyuan, Changning, etc. PetroChina |
~2009–2010 |
2012 |
non détaillé |
cumul >300 Gm³ |
Sichuan |
Production de ~3 Gm³/an en 2017 |
Formations ultra‑profondes |
2018 |
|
e.g. Zi‑201 ~26 Mpi³ |
blocs potentiels >1 Gm³ |
>4 000 m Qiongzhusi / Cambrian |
Phase pilote vers production commerciale |
Evolution & défis
- Une croissance impressionnante :
- Fuling a produit ~6–8 Gm³/an depuis 2020 ; cumul >60 Gm³.
- Petits champs comme Anyue et Yuanba ajoutent ~20 % à la production nationale.
- Complexité géologique : les bassins montagneux du Sichuan sont plus difficiles à exploiter qu’en Amérique du Nord .
- Ressources en eau & R&D : la crise hydrique dans certaines régions pousse vers des fracturations alternatives (azote liquide) .
Synthèse stratégique
- Capacité actuelle : ~15 Gm³/an de gaz de schiste (≈10 % de la production totale de gaz GNL), surtout concentrée dans le Sichuan.
- Axé sur les géants : Fuling reste la locomotive (>1 Tm³ de réserves, ~25 m m³/j).
- Expansion future: exploration active des formations profondes (>4 000 m) et dominées par innovations technologiques.
- L'environnemental et la logistique : défis d’eau, infrastructures, fracturation, et maîtrise technologique dans des géologies complexes.
La Chine a réussi son entrée dans la production commerciale de gaz de schiste — notamment avec le champ de Fuling. L’effort se déplace maintenant vers des zones plus profondes et plus difficiles, appuyé par des innovations telles que la fracturation à l’azote liquide. La capacité nationale actuelle (~15 Gm³/an) pourrait croître à l’horizon 2025–2030, à condition de répondre aux enjeux techniques, environnementaux et logistiques.
Voici l’évolution historique de la production de gaz de schiste en Chine entre 2011 et 2024 (estimation 2025 incluse) : on observe une montée en puissance rapide dès 2014, avec une stabilisation autour de 15 milliards de m³/an depuis 2020:
Pour pouvoir aller plus loin que ce plateau à 15 milliards de m³/an, la Chine veut mettre en production des gisements non conventionnels situés dans des zones où l'eau n'est pas disponible. Pour cela le pays tente de développer une technique où le fluide qui sert à fracturer le shale n'est pas de l'eau, mais de l'azote liquide.
La fracturation à l’azote liquide repose sur l’injection d’azote sous forme liquide (température ~–196 °C) à haute pression dans les formations rocheuses. En se vaporisant, l’azote se dilate violemment (~700x son volume), créant des microfissures sans utiliser d’eau.
Mécanismes
- Injection d'’azote liquide : le fluide cryogénique est injecté sous pression dans le puits.
- Gel thermique de la matrice : le contraste thermique provoque des chocs thermomécaniques → microfissuration.
- Vaporisation explosive : l’azote liquide se transforme en gaz → pression interne → ouverture de fractures.
- Transport des proppants (optionnel) : comme pour la fracturation hydraulique, des grains peuvent être injectés pour maintenir les fissures ouvertes.
Application en Chine
- Zones concernées : Xinjiang, Mongolie intérieure, Ordos — régions semi-arides ou désertiques.
- Objectif : limiter l’usage d’eau dans les zones sensibles hydrologiquement.
- Avantages :
- Zéro consommation d’eau ;
- Réduction des risques d’endommagement des formations argileuses gonflantes (swelling clays) ;
- Moins de contamination des aquifères superficiels ;
- Simplification du traitement des fluides de retour.
- Inconvénients :
- Coût énergétique très élevé (production et transport du LN₂) ;
- Risques liés à la cryogénie ;
- Difficulté à maintenir les fissures ouvertes sans additifs spécifiques.
Statut en Chine
- Phase pilote avancée : plusieurs essais menés depuis 2016–2018.
- Intégration hybride : certaines exploitations utilisent un mix azote liquide-eau pour optimiser coûts et efficacité.
- Développements R&D : CNPC et Sinopec collaborent avec l’Académie des Sciences pour améliorer la pénétration de l'azote liquide dans les formations à faible porosité/perméabilité.
Fracturation hydraulique vs Fracturation à l’azote liquide
Critère |
Fracturation hydraulique (HF) |
Fracturation à l’azote liquide (LN₂) |
Fluide injecté |
Eau + additifs chimiques + proppants |
Azote liquide (N₂) pur ou mélangé à des proppants |
Volume de fluide requis |
10 000 – 25 000 m³ par puits |
2 000-5 000 m³ (LN₂ est plus "sec" et expansif) |
Pression typique |
40–100 MPa |
30–80 MPa (mais effets thermo-mécaniques augmentent la fissuration) |
Température d’injection |
~20–40 °C |
–196 °C (cryogénique) |
Mécanisme dominant |
Pression mécanique |
Chocs thermiques + expansion gazeuse |
Profondeur d’application |
Idéal pour 1 500 – 3 500 m |
Plus efficace dans formations peu fracturées ou argileuses |
Taux de récupération du gaz initial (EUR) |
10–30 % (fortement dépendant du design) |
5–20 % (mais en amélioration avec hybridation) |
Coût estimé (USD/puits) |
3–6 millions $ (variable) |
4–8 millions $ (production, transport LN₂ coûteux) |
Risque d’endommagement des roches argileuses |
Élevé (gonflement, colmatage) |
Très faible |
Consommation d’eau |
Très élevée (jusqu’à 30 millions de litres) |
Zéro (ou quasi-nulle) |
Traitement des eaux de retour |
Nécessaire (fluide de reflux contaminé) |
Pratiquement inexistant |
Risque de contamination des nappes |
Modéré à élevé (si défauts de cimentation) |
Très faible (N₂ gazeux non polluant) |
Empreinte carbone directe |
Faible lors de l’injection, mais traitement eau énergivore |
Élevée (liquéfaction + transport du N₂) |
Flexibilité opérationnelle |
Très mature, industrialisée |
Moins mature, expérimentale |
Utilisation en Chine |
Généralisée (Sichuan, Ordos) |
hybride (Xinjiang, désert de Qaidam) |
Analyse comparative fracturation hydraulique vs fracturation à l'azote liquide
Avantages de la fracturation hydraulique
- Technologie éprouvée, maîtrise industrielle complète.
- Capacité à produire de grands volumes de gaz à faible coût dans des zones bien caractérisées.
- Écosystème d’approvisionnement déjà en place (additifs, proppants, traitement des eaux).
Avantages de la fracturation à l'azote liquide
- Appropriée pour zones arides ou formations argileuses sensibles à l’eau.
- Risques environnementaux réduits, notamment vis-à-vis des nappes phréatiques.
- Pas de pollution chimique durable.
Limites de la technique
- Coût élevé de la liquéfaction de l’azote (~0,06–0,09 $/kg). Il en faut évidemment de très grands volumes pour compléter la fracturation à chacun des puits
- La logistique est très complexe: transport cryogénique, équipements spécialisés, etc.
- Moins de recul sur la durabilité des fissures induites; on a constaté que sans les proppants entrainés par l'eau dans la fracturation hydraulique, certaines fractures se referment.
Enjeux stratégiques pour la Chine
- Politique de diversification : la Chine utilise la l’azote liquide comme complément pour zones où l’eau est rare ou précieuse.
- Technologie en maturation rapide : on tente de mettre au point une intégration de l'azote liquide avec des microproppants ou des gels porteurs pour accroître l’efficacité de la mise en place des particules qui sont nécessaires pour garder les fractures ouvertes.
- Potentiel environnemental : fort attrait dans les zones sensibles comme en Himalaya oriental, Ordos, Tarim.