Pour ce billet, je dois avouer que je suis cette fois-ci devenu plus paresseux; je n’ai écris moi-même que les parties du texte qui sont en vert. Le reste du texte, vous l’aurez compris, est le résultat d’une discussion que j’ai amorcée avec l’IA. Vous constaterez donc que je me suis mis au goût du jour. J’ai évidemment évalué et édité à l’occasion la partie du texte produit par l’IA.
Le sujet de la capture/stockage du CO₂ (carbon capture and storage -CCS- en anglais) se pointe de plus en plus dans l’actualité. Ce n’est plus simplement une proposition théorique, car déjà les promoteurs du CCS quêtent et obtiennent partout dans le monde des subventions. Ces fonds publics sont très souvent soutirés aux fonds verts, etc.
Les promoteurs du CCS sont en fait des acteurs de l’industrie des hydrocarbures. Ils promettent la main sur le coeur que les futures expansions de leur industrie va se faire en « éliminant » le CO₂ qui sera encore ajouté au bilan mondial. La mise en avant des promesses du CCS visent avant tout à installer pour l’industrie pétrolière une possibilité non seulement de poursuivre les activités, mais également de permettre une expansion durant encore quelques décennies.
Toutes les techniques actuelle de CCS sont bien incapables de faire cela; les seules installations actuelles et les suivantes envisagées ne pourront traiter qu’une infime partie du CO₂ rejetté annuellement dans l’atmosphère. Leurs projets actuels sont tous très loin de la rentabilité, ce qui fait que les promoteurs sont activement à la recherches de fonds publics. Des projets-pilotes sont souvent réalisés en association avec des universités ou instituts de recherche, ce qui facilite justement l’obtention d’investissements publics. Par citer un exemple local, l’INRS vient d’obtenir 5M$ du fédéral plus $426,500 du Québec pour une étude de CCS dans la région de Bécancour. Comme ancien professeur-chercheur, je n’ai rien contre la recherche évidemment; seulement j’ai de fort doutes sur la pertinence du choix de la région de Bécancour et de la faisabilité éventuelle que cela mène à un projet réaliste de CCS. Bref, je n’aurais pas peut-être pas recommandé l’utilisation de fonds publics pour ce projet. Il y a de multiples façons de mieux utiliser ces fonds dans la lutte au réchauffement climatique.
Revenons au stockage du CO₂ dans le substratum profond. Au départ cette idée vient des pétrolières. Injecter d’énormes volumes de gaz dans les strates poreuses des gisements épuisés leur est apparu comme une excellente initiative, « win-win » comme on dit dans ces milieux. D’une part on se débarrasse du gaz CO₂, d’autre part ça remet en pression les poches résiduelles d’hydrocarbures des gisements vieillissants qui peuvent alors être extraites par les puits voisins encore actifs. Ces pratiques soulèvent plusieurs questions techniques. Dans ce billet, je ne vais m’attarder sur une seule de ces questions. Elle est identique à celle que j’ai posée il y a une décennie à propos de l’industrie du gaz de schiste: la gestionà moyen et long termes des puits une fois achevés. Voici le libellé de la question que j’ai posée à l’IA: « Étant donné la dégradation probable des puits dans le temps, quelle doit être la durée de monitoring de ces puits qui seront implantés dans le substratum pour y stocker d’importants volumes de CO₂ ? Des décennies? Des siècles? Des millénaires ? »
La surveillance des puits de capture et de stockage de carbone (CCS) doit généralement être maintenue pendant plusieurs décennies, l'objectif étant d'assurer la permanence du stockage pendant des siècles, voire des millénaires.
Voici une ventilation des délais :
Période de surveillance réglementaire (Décennies) : Les réglementations, telles que les règles américaines de l'EPA (Environmental Protection Agency) pour les puits de classe VI, exigent généralement une période de surveillance post-injection d'au moins 50 ans, à moins que les régulateurs n'approuvent un calendrier alternatif basé sur des données spécifiques au site. Dans d'autres juridictions comme l'Alberta, la phase initiale de surveillance post-fermeture requise avant le transfert de responsabilité au gouvernement peut être aussi courte que 10 ans, suivie d'une intendance gouvernementale pendant des décennies supplémentaires.
Permanence ciblée (Siècles à millénaires) : L'objectif ultime du stockage géologique est le confinement permanent pour atténuer efficacement le changement climatique. Les modèles climatiques et les normes scientifiques soulignent souvent que le CO₂ stocké doit rester séquestré pendant des centaines, voire des milliers d'années (siècles à millénaires) pour atteindre les objectifs climatiques.
Cycle de vie du projet : L'ensemble du cycle de vie du projet, de la sélection du site et de l'injection à la surveillance post-fermeture, peut s'étendre sur de nombreuses décennies, ce qui est un facteur majeur dans la planification du projet et les considérations financières.
La surveillance à long terme est cruciale pour confirmer que le panache de CO₂ se comporte comme prévu par les modèles et qu'il n'existe aucune voie de fuite susceptible de présenter un danger pour les sources souterraines d'eau potable ou l'atmosphère.
La création des sites de CCS est déjà extrêmement coûteuse. À quel pourcentage des coûts initiaux se situeront les coûts de monitoring sur une période de 100 ans?
Les coûts de surveillance (monitoring) à long terme pour les sites de capture et de stockage de carbone (CCS) ne représentent généralement pas une proportion fixe ou majeure des coûts d'investissement initiaux (CAPEX), mais sont plutôt considérés comme une partie gérable des coûts d'exploitation totaux sur la durée de vie du projet. Voici quelques points clés concernant ces coûts :
Faible proportion des coûts d'exploitation : Les programmes de surveillance ne représentent généralement pas une proportion significative des coûts d'exploitation totaux du site.
Les coûts initiaux sont dominants : La majorité des coûts totaux d'un projet CCS proviennent de la phase de capture (la plus chère) et de l'investissement initial dans les infrastructures de transport et d'injection.
Objectif de réduction des coûts de surveillance : Les projets commerciaux ont tendance à mettre en œuvre le minimum d'exigences réglementaires pour la surveillance afin de maîtriser les coûts, par rapport aux projets de recherche qui investissent souvent davantage dans la MMV (Mesure, Surveillance et Vérification).
Variabilité selon les technologies : Le coût des différentes technologies de surveillance varie. Par exemple, l'InSAR (radar interférométrique à synthèse d'ouverture) a des coûts unitaires plus élevés que la surveillance des eaux souterraines et le GPS, cette dernière étant une méthode plus mature et moins coûteuse.
Mécanismes financiers pour la post-fermeture : Pour couvrir les coûts de surveillance et d'éventuelles mesures correctives après la fermeture du site (pendant les décennies ou siècles requis), il est souvent recommandé aux promoteurs de projets d'établir des mécanismes financiers, tels que des comptes fiduciaires ou des assurances, garantissant que des fonds adéquats sont disponibles.
Il est difficile de fournir un pourcentage précis pour une période de 100 ans, car les coûts spécifiques dépendent fortement des caractéristiques géologiques du site, des exigences réglementaires locales et des technologies de surveillance choisies. Cependant, l'industrie et les régulateurs s'efforcent de faire en sorte que ces coûts à long terme soient gérables et prévisibles grâce à une planification initiale rigoureuse et des mécanismes financiers appropriés.
Ce que est chiffré ci-dessus ne se rapporte bien évidemment qu’aux seuls coûts de surveillance, mais qu'en est-il des coûts d'intervention sur les puits lorsque la surveillance détectera des fuites, des détériorations des aciers ?. La technologie des puits a avant tout été développée pour l'extraction des hydrocarbures. Selon une étude de Schlumberger (Brufatto et al 2003. From Mud to Cement—Building GasWells, Oilfield Review Sept 2003, pp 62-76), environ 50% des puits développent des problèmes de perte d'étanchéité après 25 ou 30 ans. Qu'en sera-t-il pour les puits de stockage CCS, qui sont très souvent implantés dans les mêmes strates géologiques (gisements d'hydrocarbures épuisés) ?
La question des coûts d'intervention et de réparation des puits de CCS en cas de fuite est cruciale et représente l'un des principaux défis et risques financiers du secteur. La comparaison avec la statistique de Schlumberger est pertinente, mais il existe des différences fondamentales dans la conception des puits de CCS qui visent à atténuer ces risques.
1. Coûts d'intervention et de réparation (Remédiation)
Les coûts d'intervention pour réparer une fuite de puits de CCS peuvent être très élevés et potentiellement imprévisibles :
Absence de données précises publiques : Étant donné le nombre encore limité de projets CCS commerciaux à grande échelle en phase de post-injection prolongée, il existe peu de données publiques sur les coûts réels des interventions de réparation de fuites de CO₂.
Complexité de la remédiation : Les coûts dépendraient de la nature, de l'emplacement et de la gravité de la fuite (par exemple, une simple réparation de cimentation de surface par rapport à une opération complexe en profondeur). Les réparations peuvent impliquer des opérations lourdes similaires à celles de l'industrie pétrolière et gazière (re-cimentation, installation de nouveaux tubages, etc.).
Risques financiers majeurs : Le risque d'intervention imprévue est une préoccupation majeure pour les opérateurs et les régulateurs, car ces coûts peuvent rapidement dépasser les budgets de surveillance annuels. C'est pourquoi la planification financière (fonds fiduciaires, assurances) est essentielle pour couvrir ces éventualités sur le long terme.
Pertinence de l'étude Schlumberger et différences CCS La statistique de Brufatto et al. (2003) selon laquelle environ 50 % des puits pétroliers/gaziers développent des problèmes d'étanchéité après 25-30 ans est un fait bien connu de l'industrie et souligne les risques inhérents à l'intégrité des puits. Cependant, l'industrie du CCS se base sur ces leçons pour concevoir des puits spécifiquement adaptés au stockage permanent :
- Matériaux spécialisés : Contrairement aux anciens puits d'hydrocarbures où le ciment standard était conçu pour des opérations à court terme, les puits de CCS utilisent des matériaux de cimentation et d'étanchéité avancés (comme le CorrosaCem™ mentionné précédemment) et des aciers résistants à la corrosion. L'acide carbonique formé par le mélange de CO₂ et d'eau peut dégrader le ciment Portland standard, ce qui nécessite des formulations spécifiques pour une stabilité chimique et mécanique à long terme.
- Conception rigoureuse et réglementation : Les puits de CCS (notamment les puits de classe VI aux États-Unis) sont soumis à des exigences réglementaires beaucoup plus strictes en matière de sélection des matériaux, de protocoles de cimentation et de tests d'intégrité initiaux que la plupart des puits historiques d'extraction d'hydrocarbures.
- Surveillance continue : La surveillance à long terme, absente de la plupart des puits pétroliers abandonnés, permet une détection précoce des problèmes, permettant des interventions avant qu'une fuite ne devienne majeure ou catastrophique.
Puits neufs vs existants : Les projets de CCS privilégient souvent le forage de nouveaux puits d'injection conçus dès le départ pour le stockage plutôt que la conversion de vieux puits "hérités" (legacy wells), dont les matériaux et l'état sont souvent incertains.
Conclusion Le risque de fuite et les coûts d'intervention associés sont des préoccupations très réelles. Bien que l'historique des puits d'hydrocarbures mette en évidence un risque significatif de défaillance de l'intégrité, l'industrie du CCS vise à réduire ce risque grâce à des normes de conception, des matériaux et des protocoles de surveillance nettement supérieurs. Le coût d'une intervention majeure reste un facteur de risque important qui doit être géré par une planification financière rigoureuse et des mécanismes de transfert de responsabilité.
J’ai arrêté ici la discussion avec l’IA, car l’intelligence Artificielle puise évidemment ses conclusions dans la littérature publié ces dernières décennies sur la question de la détérioration des puits à moyen et à long termes. Je retrouve dans son exposé les mêmes énoncés que j’ai déjà lus quand je posait ces mêmes questions par rapport aux puits de gaz de schiste. L’industrie avance alors un bla-bla où se retrouve pêle-mêle du type « On va tirer parti des leçons …», « On va utiliser des aciers résistant à la corrosion… », « Il va y avoir une réglementation rigoureuse … ».
Dans la réalité, les compagnies font concurrence et celles qui ont des coûts plus élevés disparaissent laissant les puits à l'abandon. Aucune ne sera là des siècles et des millénaires évidemment. J'ai souligné ci-dessus le phrase où l'IA admet que la surveillance est absente dans la plupart des puits. Son dernier paragraphe indique aussi que le risque de défaillance sera significatif. Pour un exposé de ce que tout cela implique, je voie renvoie à mon mémoire sur le gaz de schiste. La figure 6 y montre le diagramme de Schlumberger sur la détérioration des puits dans le temps.