mercredi 13 août 2014

Déjà des lignes directrices sur l’exploration gazière et pétrolière!

Décidément on s'active au MDDELCC, l'ancien MDDEFP, le ministère qui change de nom à chaque printemps. On avait ajouté Faune (F), Parcs (P), à Environnement(E), puis Développement durable (DD); il faut suivre ce qui est dans l'air du temps: lutte aux changements climatiques (LCC) est la nouvelle "tarte à la crème" . Exit faune et parcs; on pourrait aussi bien se contenter de le désigner comme le ministère du développement, point à la ligne, car même le ministère Énergie et Ressources Naturelles et ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations se font doubler de vitesse par le petit groupe de pro-actifs au MDDELCC qui se précipitent pour favoriser avant toute analyse sérieuse le démarrage de l'exploration /exploitation du pétrole et du gaz de schiste.

Avec la publication en juillet 2014 du règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP)  où le MDDELCC glissait subrepticement des normes pour la fracturation hydraulique, voici qu'il récidive en août avec la publication des Lignes directrices provisoires sur l’exploration gazière et pétrolière. Provisoires bien évidemment, car on a même pas amorcé le BAPE sur le pétrole et celui sur le gaz de schiste est en cours sans que l'on connaisse ses conclusions qui ne sont attendues qu'à l'automne 2014.
On franchit un pas de plus; ce n'est plus un règlement sur l'eau, mais bien d'exploration/exploitation des hydrocarbures par fracturation dont on annonce les règles. On reprend dans ce texte tout le chapitre FRACTURATION qui est dans le règlement sur l'eau, mais on ajoute beaucoup d'autres choses: une description détaillée des règles administratives pour presque*  toutes les étapes du développement de l'industrie:
- Construction des voies d’accès aux sites de forage
- Drainage du site
- Réservoirs, enceintes et bassins pour recueillir les eaux de fracturation
- Entreposage des produits dangereux, produits pétroliers, matières dangereuses résiduelles, etc.
- Prélèvements d’eau, prétraitement et traitement et rejet sur place, traitement hors site, etc.
- Exigences relatives à la fracturation, essais et suivis requis, procédures en cas de fuite , etc.
- Émissions atmosphériques, torchères, essais de production,
- Émissions sonores, poussières, vibrations, lumière, etc.
- Dispositions relatives à la réhabilitation des terrains, etc.

Tout cela démontre que le groupe développement de la filière pétrole et gaz de schiste au MDDELCC s'est beaucoup activé ces derniers mois. Plus de la moitié des 214 pages du document montre en fait les formulaires préparés pour chacune de ces étapes. C'est très impressionnant à première vue et on pourrait penser que le public devrait être rassuré par autant de codification et de permis d'autorisation.

Les fonctionnaires au ministère vont être très occupés à lire, codifier, tamponner et classer tout ces formulaires. On se demande s'il restera des ressources pour aller sur le terrain vérifier tout cela. Mais on a bien planifié aussi cet aspect puisqu'on prévoit que beaucoup de ces mesures seront faite par autosurveillance. Il y a aussi un formulaire pour ça:



Dans le document Lignes directrices, il y a gros à commenter;  il y a de quoi réagir là aussi. Plus bas sur cette page, je commente cette vision du MDDELCC  très développement, pas du tout durable, pas très environnement et absolument contraire à lutte aux changements climatiques.
Une chatte y perdrait ses petits dans ces 214 pages qui arrivent au beau milieu de vos vacances, que je vous souhaite bonnes quand même.

De gros oublis cependant, ceux qui ne font pas partie de la vision de l'industrie (qui est aussi celle du gouvernement), par exemple: 1) la norme de 400m est ridiculement insuffisante, 2) le torchage du méthane associé au pétrole est autorisé; il y a une petite obligation: déclarer les rejets dans l'atmosphère qui dépassent 10 000 tonnes ("le requérant qui émet dans l’atmosphère une quantité de gaz à effet de serre (GES) égale ou supérieure à 10 000 tonnes métriques en équivalent CO2 doit déclarer ses émissions"). 3) L'impact à moyen et long terme est ignoré car tout suivi post-fermeture ne prévoit que dix ans d'autosurveillance.
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QUELQUES PERLES  ÇA ET  LÀ:

- À la page 41 du document on lit ceci:
Le brûlage du gaz dans une fosse ou dans un espace confiné (ex., réservoir, conteneur ou baril) n’est pas permis.

Or durant ce même été 2014, voici ce que fait Pétrolia à Anticosti:
La photo ci-contre et sa description sont de Pétrolia même pour décrire les travaux en cours dans l'Île. C'est dans une brochure d'information distribuée dans les boîtes à lettres des résidents d'Anticosti le 8 août 2014.





Cette brochure porte l'entête ci-dessous:



- À la page 43, le document traite des bassins à ciel ouvert pour le stockage des eaux de fracturation
"Si des bassins d’entreposage sont utilisés pour conserver les fluides de fracturation, aucune manipulation (aération ou pulvérisation) des fluides de fracturation pouvant avoir des répercussions sur les émissions de contaminants dans l’air n’est autorisée (LQE, art. 20)". Or dans les opérations de fracturation, le retour des eaux ramène énormément de composés dissouts ainsi que des composés volatils, le méthane en tout premier lieu et bien d'autres aussi. Des bassins à l'air libre, même quand leur fond est étanche pour le fuites liquides, même sans aération ou pulvérisation, émettent directement dans l'air ces composés volatils. Aux États-Unis, en Pennsylvanie notamment on abandonne de plus en plus cette pratique pour cette raison. Des règles de plus en plus sévères imposent un traitement confiné et centralisé des eaux de fracturation. Le MDDELCC ouvre toute grande la porte à la pratique plus ancienne et très imparfaite des bassins à ciel ouvert, interdits ailleurs  le ministère se contente de préciser qu'il n'autorisera pas l'aération et la pulvérisation, deux techniques qui de toutes façons ne sont pas pertinentes dans ce cas précis.


- À la page 31, la perle des perles se lit comme suit: "La construction du puits et tout particulièrement son obturation à la fin des activités doivent être réalisées de manière à ce que le puits ne constitue pas à long terme une voie privilégiée de migration de liquides ou de gaz naturel"; C'est à peu près comme si le code du bâtiment disait que  "La construction des ponts et viaducs doivent être réalisées de manière à ce qu'ils ne subissent aucune détérioration ou perte de capacité à long terme" C'est tout simplement impossible; tout ouvrage a une durée de vie technique. Même avec un bon programme d'inspection structuré, des travaux d'entretien réguliers et des travaux de réparation/réfection partielle, il arrive à tout ouvrage construit de béton et d'acier d'arriver en fin de vie utile. On le démolit alors et on en construit un nouveau destiné au même usage. Pour les puits, il y aura une petite inspection à la fin des activités commerciales, mais comme l'exploitant n'y aura plus accès (tête de puits démontée, puits enterré, site reconverti, etc.,) et comme il n'en sera plus responsable légalement, il n'y aura évidemment aucun entretien, etc. L'angélisme béat est l'approche qui transparait dans la lecture de ce chapitre des  Lignes directrices provisoires sur l’exploration gazière et pétrolièreCette approche est totalement irresponsable.




2 commentaires:

  1. Merci pour tout ce que vous faites pour le Québec...
    Ce message, je vous l'envoie comme... une bouteille à l'eau.
    Je lis aussi tous les Articles d'Alexandre Shields dans Le Devoir...aujourd'hui, celui du 20 février 2017, où j'ai retrouvé vos commentaires.
    (Une source importante d'informations...pour le citoyen québécois.) Ce qui m'a amenée chez vous... en 2014.(Quelle aberration que ce foutu gouvernement du PLQ ...)
    (Qu'en fut-il du gouvernement du PQ de Pauline Marois?) Moi qui suis indépendantiste depuis près de 40 ans, j'aimerais, si mon voeu se réalise, laisser à mes enfants et petits enfants et à mes compatriotes québécois ...un pays propre: la Nature et le Monde politique.
    Dommage que peu vous connaissent... tous les deux.
    Continuez à nous informer de vos Avis compétents...ça nous changent heureusement des "girouettes" qui nous gouvernent présentement.

    Ma question: "Où sont vos confrères qui oeuvrent dans les mêmes domaines que vous?" Le Savoir
    vous le partagez avec Nous mais eux...???"
    Nicolle

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  2. Nicolle, je vous remercie pour votre intérêt. Au delà de la politique, tous partis confondus, le dossier du gaz (Utica) et du pétrole (Anticosti) a suivi depuis 2008 un parcours où il y a eu beaucoup de manipulation, beaucoup de fausses informations véhiculées par des promoteurs privés. Ils ont su habilement berner les divers gouvernements par des promesses de milliard$ qui ne reposent que sur des données artificiellement gonflées. Des hauts fonctionnaires au gouvernement sont depuis le début des relais actifs pour les promoteurs et ont rédigé des rapports, règlements et loi 106 orientés pour faciliter la réalisation de ces projets. Les données objectives dérangent ces plans et ont été écartées assez systématiquement. Le résultat est navrant.

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