Dans mon analyse de l’hypothétique gisement d’Anticosti, j’indique que
les coûts d’extraction enlèveraient toute rentabilité à l’opération. Les coûts
des forages, fracturations, pipelines, transport, etc. tout cela arrondi et
réparti sur un coût unitaire à 10M$ par puits. En effet avec un taux de récupération de 1%*, on tirerait de tout le gisement (40 Gbarils en place)
400Mbarils ; à $100/bbl, cela rapporterait une valeur brute de 40G$. C’est beaucoup 40
milliards de dollars, mais c’est un tiers seulement de 120G$ que constitueraient
les coûts des 12000 puits requis à 10M$/puits.
Dans des questions qu'on m'a adressé suite à l'entrevue accordée à RDI-Économie sur de sujet, plusieurs ont suggéré que même si le gisement n’est pas rentable actuellement, il
vaut quand même la peine de faire un investissement en exploration géologique,
car la rentabilité pourrait apparaître dans l’avenir ; ne pourrait-il pas devenir
rentable d’extraire ce pétrole quand le prix du baril remontera ? À vue de
nez, il faudra une grosse remontée et non pas une baisse à 50$ comme actuellement ; une petite règle de trois a fait espérer à
certains rêveurs qu’on arrivera fatalement un jour à la rentabilité. Le tableau
ci-dessous montre l’effet de trois cas hypothétiques.
Tableau
1 Hypothèses pour calcul des coûts VS
revenus
Prix
du baril
|
Valeur
brute
extraite
|
Coûts
Extraction
|
Déficit
|
100$
|
40 G$
|
120
G$
|
80 G$
|
200$
|
80 G$
|
120
G$
|
40 G$
|
300$
|
120
G$
|
120
G$
|
0
|
Si le baril était à 300$, on équilibrerait les coûts des puits requis. Pour tout prix au-dessus de $300, ne pourrait-on pas alors envisager un début d'intérêt commercial? Outre le fait qu’il est vraiment utopique de tabler sur un prix aussi
peu réaliste que 300$ dans un futur inconnu, l’analyse du tableau 1 est fausse,
car elle ne tient pas compte de l’EROEI (Energy Returned on Energy Invested - EROEI.
On utilise aussi une variante du sigle : EROI. Encore méconnu, il y a aussi le sigle TRE en français pour taux de retour énergétique.
En clair, cela signifie que pour toute forme d’énergie extraite ou
produite, on doit obligatoirement en dépenser un peu ; parfois il faut en
brûler beaucoup comme dans le cas des gisements non conventionnels
d’hydrocarbures. L’EROEI est un outil
indispensable pour analyser et comparer les diverses formes et les diverses sources
d’énergie. Par exemple on dit souvent que le gaz naturel présente un avantage
environnemental ; postuler qu’il est avantageux, sans tenir compte du type
de gisement dont in provient est une simplification trop simpliste qui donne
des affirmations erronées. Le gaz de schiste, le gaz des gisements
conventionnels, le biogaz ont tous des EROEI très différents. En ne prenant en
compte que la seule étape de la combustion du gaz, il est vrai qu’il présente
un coût environnemental plus avantageux
que le pétrole ou le charbon. Mais on a démontré que le gaz exploité par
fracturation du shale possède au final une empreinte écologique épouvantable,
pire que celle du charbon en raison notamment de l'énergie consommée pour fracturer et extraire.
L’ÉROEI s’applique à toute forme de production d’énergie :
l’hydroélectricité, le nucléaire, la production et consommation du charbon, du
gaz, l’éolien, etc. Comme on l’indique dans la figure ci-dessus, l’EROEI est
calculé avec toutes des dépenses et toutes les quantités
d’énergie produites; cela tient compte des étapes requises pour la
construction, l’opération puis le démantèlement des installations productrices de
l’énergie. L’indice EROEI est un outil très pertinent non seulement pour
comparer diverses formes d’énergie, mais aussi pour évaluer la rentabilité
éventuelle d’une source ou d’un gisement, indépendamment du prix de référence
de l’unité d’énergie, car l’indice ne varie pas avec le prix; il est fixe pour un gisement et le choix technique.
Dans les gisements de pétrole conventionnels, on obtenait anciennement près de 100
barils dans l’extraction pour l’équivalent d’un baril utilisé pour les
produire ; la valeur de l’EROEI était de 100/1. Cette valeur a chuté à ~30 dans les années 70 puis à moins de 15 récemment avec le recours de plus en plus fréquent à des techniques de stimulation des gisements plus marginaux.
Dans le cas des gisements non conventionnels d’hydrocarbures, comme dans le cas du shale Macasty à Anticosti, la valeur de l’EROEI est faible, très proche ou même à la limite de la rentabilité. À Anticosti, il n’y a pas de production encore et il n’y en aura jamais selon moi, car l’EROI y serait proche de la limite la plus basse. Brûler l’équivalent d’un baril pour en produite seulement deux ou trois, cela représente une limite commerciale pour bien des formes de production d’énergie. On comprend qu’il serait absolument absurde de consommer un baril de pétrole pour en produire un seul autre (EROEI = 1); le bilan net de production serait zéro baril. Mais la limite commerciale ne se situe pas à la valeur 1 de l’EROEI, mais plutôt vers la valeur 2 ou 3 (selon la forme d'énergie considérée).
Le coût de l’énergie consommée n’est qu’un des éléments dans les coûts de production ; à cela s’ajoute les coûts du personnel, de l’équipement, les taxes, les marges commerciales, les frais divers, etc. Plusieurs de ces autres facteurs sont eux-mêmes affectés par le prix du pétrole. La limite commerciale se situe là où l’ensemble des coûts de production atteignent la valeur brute de l’énergie produite ; le profit est alors tout juste à zéro. Pour lancer un projet, surtout s’il y a une marge incertaine, il faut que sur papier il y ait un bon surplus en termes de profits anticipés. Même si le prix du baril était à 300$ comme dans la dernière ligne du tableau 1, il n’y aurait toujours aucun profit anticipé, ainsi que zéro marge pour compenser un investissement dans des conditions où un fort risque commercial existe.
Dans le cas des gisements non conventionnels d’hydrocarbures, comme dans le cas du shale Macasty à Anticosti, la valeur de l’EROEI est faible, très proche ou même à la limite de la rentabilité. À Anticosti, il n’y a pas de production encore et il n’y en aura jamais selon moi, car l’EROI y serait proche de la limite la plus basse. Brûler l’équivalent d’un baril pour en produite seulement deux ou trois, cela représente une limite commerciale pour bien des formes de production d’énergie. On comprend qu’il serait absolument absurde de consommer un baril de pétrole pour en produire un seul autre (EROEI = 1); le bilan net de production serait zéro baril. Mais la limite commerciale ne se situe pas à la valeur 1 de l’EROEI, mais plutôt vers la valeur 2 ou 3 (selon la forme d'énergie considérée).
Le coût de l’énergie consommée n’est qu’un des éléments dans les coûts de production ; à cela s’ajoute les coûts du personnel, de l’équipement, les taxes, les marges commerciales, les frais divers, etc. Plusieurs de ces autres facteurs sont eux-mêmes affectés par le prix du pétrole. La limite commerciale se situe là où l’ensemble des coûts de production atteignent la valeur brute de l’énergie produite ; le profit est alors tout juste à zéro. Pour lancer un projet, surtout s’il y a une marge incertaine, il faut que sur papier il y ait un bon surplus en termes de profits anticipés. Même si le prix du baril était à 300$ comme dans la dernière ligne du tableau 1, il n’y aurait toujours aucun profit anticipé, ainsi que zéro marge pour compenser un investissement dans des conditions où un fort risque commercial existe.
Le tableau 1 ne tient pas compte de l’EROEI. Dans ce gisement de
pétrole de roche mère comme dans tous les autres du même type, on consommerait
beaucoup de carburant pour forer, comprimer pour injecter à forte pression le
fluide de fracturation, pomper, transporter les fluides, les hydrocarbures,
transporter hors de l’île pour livrer à une raffinerie, etc. Si le pétrole est à 200$ ou 300$, les coûts
de forage ne seront plus à 10M$/puits, mais plutôt à 12M$ et 14M$ respectivement,
car on consommerait du carburant plus cher dans ces deux cas hypothétiques. Le
tableau 2 montre qu’en tenant compte de l’EROEI, la possibilité de profit fuit
devant nous encore plus loin, au fur et à mesure qu’on avance dans le futur
hypothétique d’une rentabilité espérée par l’augmentation du prix du baril.
Tableau 2
Hypothèses pour calcul des coûts/revenus en tenant compte de l’EROEI
Prix du baril
|
Valeur brute
extraite
|
Coûts d’extraction plus réalistes
|
Déficit
|
100$
|
40 G$
|
120 G$
|
80 G$
|
200$
|
80 G$
|
144 G$
|
64 G$
|
300$
|
120 G$
|
168 G$
|
48 G$
|
La rentabilité du gisement d’Anticosti, n’est pas envisageable, ni dans
le présent avec un prix du baril avoisinant 50$, ni dans un retour à son prix
de 100$, ni à 200$, ni à 300$, ni jamais dans aucune hypothèse raisonnable. J’ai
mis ci-dessus dans l’analyse de la non-rentabilité d’exploiter Anticosti
uniquement des paramètres commerciaux de base : coûts de production VS
valeur brute du pétrole qui serait extrait. Il semble bien que dans les
décisions gouvernementales qui touchent les hydrocarbures, il n’y a pour
l’instant que ce type d’examen primaire
et à court terme qui puisse influencer des décisions.
Je tenais donc à démontrer que même avec cette grille d’analyse très simpliste, la rentabilité n’est pas présente. La grille du tableau 2 n'est nullement une présentation qui aurait la prétention d'une analyse réaliste de ce qui se produira dans un monde économique où le pétrole sera rendu à $200, voire 300$/bbl. Elle n'est présentée ici que dans le but de donner un aperçu de l'utilité de l'EROEI.
Je tenais donc à démontrer que même avec cette grille d’analyse très simpliste, la rentabilité n’est pas présente. La grille du tableau 2 n'est nullement une présentation qui aurait la prétention d'une
Le shale Macasty d’Anticosti ne figure pas sur les cartes les gisements
d’hydrocarbures de roche mère, comme cette compilation récente de la firme
spécialisée PacWest:
N.B. pour la carte du Canada en haute résolution, voir à ce site : http://pacwestcp.com/wp-content/uploads/2014/06/PacWest-Canada-Map-2014-Color.jpg
L’analyse plus complète de la non rentabilité d’une exploitation de ce
type devrait certainement tenir compte des nombreuses autres externalités, pour
la plupart très négatives. En ajoutant les coûts environnementaux, le déficit
serait encore plus probant.
L’indice EROEI est utile pour raffiner l’analyse économique, mais il n’est
pas parfait, car il ne prend en compte comme externalité que l’énergie utilisée, pas les autres coûts environnementaux. L’EROEI est déjà suffisant pour expliquer
que l’argent investi à même des fonds publics sous le prétexte qu’il serait
utile de connaître la valeur du gisement d’Anticosti, c’est des fonds publics
précieux dépensés en pure perte.
*Question: Pourquoi prendre pour ce calcul un taux de récupération de 1% alors que des promoteurs parlent eux de 3 à 5%?
Réponse: tous simplement parce que 1% à 1,4% c'est le taux mesuré dans les quelques gisements de pétrole de shale réellement en production analyse pour Anticosti. Pour Anticosti en l'absence complète de pétrole liquide dans aucun des 25 forages réalisés à ce jour, le choix réaliste et prudent de 1% est de mise. Les taux plus élevés ne sont que des valeurs postulées pour d'autres gisements potentiels, mais pas encore en production. Les pourcentages de récupération postulés ne reposent pas alors sur des données réelles, mais seulement sur des valeurs présentées (et espérées) par les promoteurs.
Réponse: tous simplement parce que 1% à 1,4% c'est le taux mesuré dans les quelques gisements de pétrole de shale réellement en production analyse pour Anticosti. Pour Anticosti en l'absence complète de pétrole liquide dans aucun des 25 forages réalisés à ce jour, le choix réaliste et prudent de 1% est de mise. Les taux plus élevés ne sont que des valeurs postulées pour d'autres gisements potentiels, mais pas encore en production. Les pourcentages de récupération postulés ne reposent pas alors sur des données réelles, mais seulement sur des valeurs présentées (et espérées) par les promoteurs.
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