Note préliminaire ajoutée le 2 décembre 2015:
À la demande des maires, une deuxième rencontre a eu lieu le 1er décembre à Québec dans les bureaux du MDDELCC pour que cette fois-ci les experts qui appuient les maires aient l'opportunité de présenter leur critiques de certains articles du RPEP. La rencontre n'a pas produit les effets escomptés de part et d'autre. Pour accéder à un bref compte-rendu, Cliquez l'image ci-dessous:
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Le
règlement RPEP vise en principe la protection des prélèvements d'eau; or il
comporte tout un chapitre qui définit de façon très contestable des
normes pour accommoder les forages pétroliers et la fracturation hydraulique.
C'est là un des points majeurs qui devait être traité en débat contradictoire.
C'est aussi l'essentiel de la présentation que j'ai faite le 12 septembre à
Drummondville. J'ai accepté il y a plus de deux mois le principe de ma
participation à cette discussion avec les experts du gouvernement. J'ai salué
avec enthousiasme cette initiative des maires, qui devait me permettre,
enfin, plus d'un an après l'entrée en vigueur du RPEP de confronter les
dispositions sur la fracturation que le MDDELCC y a glissées.
Contrairement
au plan initial, les fonctionnaires du gouvernement se sont refusés à toute forme de
débat avec les experts des municipalités, refusant même notre
participation à la période des questions. Dès la présentation d’introduction,
les représentants du ministère ont indiqué de façon un peu paternaliste comprendre
les craintes, inquiétudes exprimées par les citoyens et relayées par leurs
maires, mais qu’ils venaient, eux, assurer ces maires que le RPEP
reposait sur la science et que le but de leur participation était de
dissiper ainsi ces craintes (sous-entendues non fondées, elles, sur la
science).
Nous
les experts indépendants avons fait nos présentations l’après-midi. Ma
présentation qui traite des articles dont le sujet est la fracturation, peut
être visionnée à ce lien : https://youtu.be/Rr-DdFslSlk. Aucun des
experts du gouvernement n’a choisi d’accepter notre invitation d’y assister et
de pouvoir ainsi confronter leur analyse avec la nôtre. Une belle occasion de
discussion entre deux points de vues scientifiques a ainsi été refusée. Les
maires ont souligné que cette situation était non seulement regrettable, mais
également suspecte. Elle n’entrait absolument pas dans le cadre d’échanges et
de respect de points de vue, pourtant annoncé ainsi par l’attaché du ministre
en début de matinée. Cela renforçait les craintes des maires plutôt que de les
atténuer.
L’exposé
technique du RPEP a été fait le matin par l’ingénieur qui a été en charge de
son élaboration. Son exposé a apporté certains détails qui nous éclairent sur
ses analyses à la base du règlement. Il est dommage que l’interdiction de le
questionner le matin et son absence l’après-midi ne nous ait pas permis de
discuter avec lui de quelques points, ceux justement que je reprends dans les
pages qui suivent.
1- Précisions apportées sur la
distance séparatrice de 500m
Dans
son exposé et en réponse à une question, l’ingénieur a clarifié la portée de la
distance séparatrice de 500m. Cette distance horizontale ne s’applique qu’aux
éléments de puits qui sont en surface. Dans la figure ci-dessous c’est le
cercle de 500m de rayon autour de la (ou des) tête(s) de puits, visible en surface :
Figure 1 Une plateforme multipuits (en animation 3D dans la vidéo) et les interprétations possibles de
la distance séparatrice de 500m.
Or
les puits ont des extensions sous terre qui peuvent couramment s’étendre sur
1,6 km ou deux km. Ces extensions latérales peuvent donc, avec
l'interprétation étroite des distances séparatrices que fait le gouvernement,
se retrouver directement sous les habitations et sous les puits
artésiens qui les alimentent (aussi illustré en coupe, fig. 2).
Dans
la figure 1 nous présentons une plateforme de dix puits comme celle des
scénarios proposés par le MERN. La projection en surface des parties
souterraines donne un rectangle de 1,25km x 3,2km. En extensionnant cette
superficie avec une bordure séparatrice de 500m, on obtiendrait un rectangle
aux coins arrondis qui ferait 2,25km x 4,2 km. Cette interprétation dans
l’application de la notion de distance séparatrice de 500m résulterait en
une étendue d’exclusion de 9,3km2. L’interprétation beaucoup plus
restrictive, que l’ingénieur du MDDELCC a indiqué être celle avec laquelle il
faut interpréter le RPEP, ne concerne qu’une étendue beaucoup plus petite, celle
du cercle de 500m de rayon centrée sur les seules têtes de puits : environ
1km2 si on tient compte des divers éléments dans une plateforme
multipuits.
Ces
deux distances, 500m à l'horizontale pour ce qui est en surface et 600m
verticalement pour la profondeur depuis la surface, ne protègent absolument pas
les puits qui se retrouveraient dans le voisinage tout en respectant ces
limites (510m et 610m dans l'exemple de la figure ci-dessous):
Figure 2 Vue en coupe des deux distances séparatrices:
500m horizontalement et 600m verticalement (figure extraite de la vidéo).
Les
six puits domestiques présents sur cette coupe sont tous à risque; tous les six
pourraient voir leur zone de captage (la crépine au bas du puits) directement
menacée par la fracturation à quelques dizaines de mètres seulement. La présentation en vidéo de laquelle est
tirée cette image, explique de plus que les nappes ne sont pas statiques; l'eau
s'y écoule à des vitesses de quelques mètres à quelques dizaines de mètres/mois
ou par année, selon les cas.
Il
n'est même pas requis que la fracturation s'étende jusqu'aux nappes pour les
menacer. La fracturation naturelle s'étend toujours plus loin que le bas des nappes.
La fracturation artificielle a toutes les chances de rejoindre des fractures
naturelles préexistantes et permettre ainsi à moyen terme une migration lente
qui atteint les nappes. La présentation
vidéo explique comment la distance verticale de 400m est
ridiculement trop faible comme marge dans laquelle ls fracturation s'effectue. C'est une valeur qui compromet la sécurité des approvisionnements en eau,
partout où cette norme serait éventuellement appliquée.
2- La
valeur 200m retenue pour fixer le bas des nappes.
Dans
son exposé, l’ingénieur a indiqué que cette valeur de 200m était en relation
avec les données de profondeur de près de 170,000 puits d’eau dans la banque de
données du gouvernement. Mesurer la position du bas des nappes à partir d’une
analyse statistique de la profondeur des puits nous apparaît comporter une
erreur méthodologique. Il serait de même peu scientifique de prétendre mesurer
la profondeur d’un cours d’eau en analysant les dimensions verticales bateaux
qui y circulent !
Figure 3 Circulation d'eau vers les crépines de puits
domestiques.
La
figure ci-dessus montre cinq puits actifs. Dans la pratique des puisatiers, on
fore les puits jusqu’à une profondeur requise pour avoir un débit suffisant.
C’est rarement au fond de la nappe que se situe la meilleure position pour
installer la crépine au bas du forage. C'est au milieu de la couche aquifère que
se situe très souvent la position qui donne le débit intéressant. Plus on descend
vers le bas de la nappe, plus la perméabilité des fractures diminue.
D’autre
part, Il n’est pas exclu non plus qu’un puisatier, qui veut vendre au mètre son
travail, fore trop profond au-delà de la base de la nappe (fig. 3, tout à
gauche). Bref, la longueur des puits ne mesure pas la nappe. On ne peut que
tirer un estimé minimal, approximatif et très indirect. La véritable mesure du
bas des nappes demanderait une autre approche plus scientifique, et serait
aussi plus complexe. Il est plus rigoureux de dire qu’on n’a pas, ou très peu,
de données scientifiques sur la limite qui marque la position inférieure des
nappes.
3- Le RPEP un règlement le plus
sévère et le plus contraignant pour l’exploitation d’hydrocarbures ?
Les
auteurs du règlement nous ont fièrement affirmé avoir défini, avec la distance
séparatrice horizontale de 500m et l’interdiction la fracturation entre la
surface et la profondeur 600m, une réglementation la plus sévère dans le
monde. C’est faux. L’Allemagne a une règle verticale qui est cinq
fois plus élevée : fracturation interdite entre 0 et 3000m. De plus, il y
a beaucoup de législations qui ont adopté par des lois ou des règlements
l’interdiction totale de la fracturation: France, Écosse, Pays-de-Galles,
Nouvelle-Écosse, Vermont, New-York, etc. L'interdiction complète constitue une
législation ou une règle bien plus sévère que celle du Québec.
Les
articles 40 à 46 incl. du RPEP ne sont pas du tout une réglementation sévère,
mais semblent au contraire constituer une introduction, camouflée dans un
règlement sur l'eau, de règles très laxistes adaptées sur mesure pour des
besoins actuels et très ponctuels de l'industrie
pétrolière dans des projets où le gouvernement associé à cette industrie,
devient juge et parti: Analyse de la
signification concrète pour Anticosti de la "norme" de 400m. Mais comme ces articles auront force de
loi partout ailleurs au Québec, les ressources en eau, les nappes phréatiques
plus particulièrement, risquent de faire les frais de ces règles très mal
conçues.
_______________________________* MDDELCC: Ministère du Développement durable, Environnement et Lutte contre les changements climatiques, du gouvernement du Québec
** Les membres du COMITÉ SCIENTIFIQUE AD HOC SUR LA PROTECTION DE L’EAU:
M. Richard E. Langelier, juriste et sociologue
Céline Marier, biologiste
Chantal
Savaria, ingénieure-géologue et spécialiste des contaminations par hydrocarbures
Marc Brullemans, biophysicien
Marc Durand, doct-ingénieur en géologie appliquée et géotechnique
Vers la fin de 2005, le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu avait organisé une rencontre avec plusieurs représentants de différents ministères du gouvernement provincial et des citoyens préoccupés par l'implantation imminente de la plus grosse nouvelle porcherie sur gestion liquide au Québec. L'intention était que les citoyens puissent exprimer leurs préoccupations vis-à-vis un projet controversé de plusieurs façons (odeurs, pollution de l'eau, qualité de vie, santé humaine, etc...) et que des experts du gouvernement puissent répondre aux questions qui leur étaient adressées.
RépondreEffacerFaisant partie d'un comité de citoyens contre le projet, j'avais préparé une présentation bien documentée sur le Chevalier Cuivré, espèce de poisson endémique au Québec et en danger de disparition. Un refuge faunique pour protéger une de ses seules aires de fraie se trouvait à quelques kilomètres en aval et il était clair pour moi que l'épandage du purin sur des terres agricoles environnantes du projet allait empirer la qualité de l'eau de la rivière Richelieu déjà très pauvre.
Mais chaque représentant du gouvernement avait tellement pris du temps à se présenter, à discourir sur l'innocuité d'une porcherie industrielle et son épandage, que quand est venu le temps pour les citoyens d'expliquer leurs préoccupations, il ne restait presque plus de temps (nous occupions une salle de la mairie qui devait se libérer à une heure donnée). J'ai laissé les gens avec des questions "humanitaires" parler en premier, sachant qu'on se préoccupe moins du sort d'un poisson que d'un citoyen, et finalement, je n'ai jamais pu dire un seul mot.
Il est clair pour moi que les fonctionnaires, les experts du gouvernement provincial et les élus provinciaux vivent sur une planète bien à eux, et que selon eux, ils savent bien mieux que nous ce qui est bon pour notre santé. Et c'est clair que durant les 10 années écoulées depuis se temps-là, rien n'a changé.
Vous illustrez également ce point: les fonctionnaires n'ont parfois qu'une vue très partielle des aspects scientifiques. Cependant ils croient et affirment avoir la "vérité". Ils sont apparemment peu disposés à confronter d'autres experts qui contestent leur point de vue.
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