Il y a un peu de nouveau dans le dossier des puits abandonnés au Canada, des petits pas dans la bonne direction. L'organisme Alberta Energy Regulator qui est responsable de la réglementation du pétrole et du gaz naturel de l'Alberta vient de mettre en place de nouvelles règles visant le problème croissant des puits inactifs et abandonnés dans la province. C'est là un geste concret qui découle des accords récents pour la réduction à la source des émissions mondiales de méthane.
Les puits d'hydrocarbures dans les régions productrices contribuent de façon significative au bilan mondial des émissions fugitives. On ne dispose que d'une évaluation incomplète de ces quantités de méthane émis dans l'atmosphère, car les seules données disponibles sont compilées avec seulement les pays industrialisés. Pour le dernier bilan estimé (2016) ces émissions étaient de 1,33Gt équivalent CO2; 85% de cette valeur provient des gisements de pétrole et gaz, le reste 15% provenant des gisements de charbon.
C'est en Alberta qu'on a compilé les données les plus précises:
- Nombre de puits actifs: 156 926
- Nombre de puits inactifs: 95 524 (pouvant être réactivés éventuellement)
- Nombre de puits abandonnés: 76 372
- Nombre de puits obturés certifiés: 92 205
- Nombre de puits exempts de certification: 36 758
Cependant l'Alberta Energy Regulator émets la nouvelle réglementation afin de mieux suivre à l'avenir l'ensemble des producteurs dispersés sur son territoire; cela part d'une admission que les bilans actuels sont encore basés sur des données incomplètes et imprécises.
J'ai examiné ces nouvelles règles, notamment celles qui gèrent la fermeture définitive des puits et la reconversion des sites. Même ces règles toutes récentes conservent une vision fort limitée de la problématique; elles servent à préciser comment l'exploitant obtient un Reclamation Certificate, et rien dans ces règles ne tient compte de la détérioration future des matériaux qui servent à l'obturation des puits. On continue de croire qu'une fois abandonné et obturé, un puits cessera d'être problématique.
Je rappelle, comme l'a fait en 2014 le rapport du Conseil des Académies Canadiennes (CAC), que les travaux d'obturation auront une durée de vie finie, encore à préciser; en conséquences le CAC constate que la gestion des puits abandonnés demanderait plutôt un suivi à perpétuité: « This raises the possibility of needing to monitor wells in perpetuity because, even after leaky older wells are repaired, deterioration of the cement repair itself may occur » (CAC 2014, p.193)*". Les puits obturés pourront recommencer à émettre du méthane après un certain nombre d'années, quelques décennies tout au plus.
C'est très préoccupant de constater que même les toutes nouvelles règles sont pensées par des gens qui croient que les puits "disparaissent" une fois obturés. C'est vrai qu'on part de très loin dans l'industrie extractive; les nouvelles règles sont un pas dans la réduction à court terme des émissions fugitives. Mais c'est un pas encore loin de régler les très sérieuses lacunes du passé. Cela n'empêchera pas de léguer aux prochaines générations des centaines de milliers de sources potentielles de méthane: une par puits qui se remettra à laisser fuir du gaz.
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* Dans la version française du rapport du Conseil des académies canadiennes (CAC) 2014. (Incidences environnementales liées à l’extraction du gaz de schiste au Canada), la citation se situe à la page 228: "Cette situation laisse entrevoir la nécessité d’une surveillance à perpétuité, car même après qu’on ait réparé d’anciens puits présentant des fuites, les réparations du ciment pourraient elles-mêmes se détériorer.".
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