Je lis ce matin un texte de Louis Blouin sur le site des nouvelles de Radio-Canada qui traite d'une éventuelle relance du projet d'usine de liquéfaction de GNL Québec au Saguenay. Dès le 4e paragraphe on peut s'inquiéter : " le cabinet de Fitzgibbon aurait laissé savoir qu’après les élections provinciales, il y aurait une volonté de la part de Québec de reconsidérer
et d’accélérer
le projet, si la Coalition avenir Québec est réélue ".
Il est entendu que la CAQ ne souhaitait pas traiter ce sujet pendant la campagne électorale. François Legault a rapidement réagi en réitérant que ce projet ne verrait pas le jour au Québec. Mais après, une fois les élections passées, est-il possible qu'un projet comparable prenne vie? Le lobby de GNL Québec se fait discret, mais il demeure actif. Le cabinet du ministre Fitzgibbon a précisé que des projets énergétiques ont été étudiés à l'invitation du gouvernement fédéral lors de la préparation de la visite du chancelier de l'Allemagne.
Nous devons donc demeurer vigilants quant aux faux arguments qui seront véhiculés dans les médias au cours des prochains jours dans ce dossier, notamment parce qu'un des cinq partis se fait ouvertement promoteur du gaz de schiste. L'Europe a besoin de s'affranchir du gaz russe dans le contexte de la guerre en Ukraine, c'est un fait, mais cela ne fait pas disparaitre les impacts environnementaux que nous avons exposés et qui ont alimenté le contenu final du rapport du BAPE publié en mars 2021, ainsi que celui de l'Agence d'évaluation d'impact du Canada en février 2022.
L'Allemagne, comme bien d'autres pays européens, a fermé la porte à l'exploitation de ses propres gisements de gaz de schiste, qui auraient pu être branchés directement à ses réseaux de distribution sans passer par l'étape de liquéfaction. Il n'y a donc aucune logique à importer de l'Ouest canadien du gaz de schiste extrait par la fracturation hydraulique dans des milliers de puits. Il en faudrait 14000 en Alberta et Colombie-Britannique pour alimenter une usine de liquéfaction comme celle qui était proposée au Saguenay. S'il n'est pas envisageable d'extraire ce gaz par fracturation hydraulique en Allemagne même, il l'est encore moins de le faire dans l'Ouest du pays. Le gaz devrait ensuite transiter à travers tout le Canada, pour être liquéfié dans une usine au Saguenay, ou ailleurs sur la côte Est. Il ne pourrait être transporté outre-Atlantique que préalablement liquéfié. En Allemagne, il serait remis sous sa forme gazeuse pour alimenter ensuite les gazoducs locaux.
L'Allemagne produisait récemment du gaz à l'interne pour environ 15% de ses besoins; le reste (83 Gm3) était importé. L'Agence Internationale de l'Énergie (IEA) indique qu'il y a 144 milliards de m3 de gaz volontairement perdu par torchage et par fuites aux évents chaque année aux puits de pétrole dans le monde (flairing and venting, chiffres de 2021). Cela correspond à une fois et demi la quantité de gaz utilisé en Allemagne annuellement. Le pays cherche évidemment à réduire de façon drastique ses importations de gaz. L'organisme Global Gas Flairing Tracker où l'Allemagne s'implique, tente de faire comprendre aux pays producteurs de pétrole l'intérêt de réduire le gaspillage du gaz naturel et tient à jour la liste des pays où se produisent les plus importantes émissions. Dans bien des cas, ce gaz pourrait être capté et acheminé aux pays qui en auront encore besoin durant les prochaines décennies. Il devient non pertinent de démarrer de nouveaux champs d'extraction ailleurs dans le monde.
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