jeudi 1 janvier 2015

La réalité et les faits sont têtus - c'est pour cela qu'ils finissent par s'imposer.

Note: Ce billet de janvier 2015 a été mis en ligne deux semaines d'avance le 15 décembre.
La réalité et les faits sont têtus. On peut les ignorer, les masquer, les décrire en les déformant, tenter de les contourner, on peut tout faire, ils restent là tels quels, indépendamment de ce qu'on tente de faire avec. Ils sont très têtus et c'est là une force absolument unique qui résiste à tout. Et qu'on peut exploiter.

Dans le dossier du gaz de schiste, dès le début (en novembre 2010 pour moi, mais d'autres étaient déjà actifs bien avant) des faits ont été perçus, de façon floue initialement, intuitivement sans doute chez des personnes clairvoyantes. J'ai alors commencé bien timidement, isolément à fouiller un peu autour de quelques réalités qui pointaient au travers du sol et qui commençaient à devenir progressivement très apparentes. Nous sommes devenus plusieurs à creuser, chacun avec ses outils, chacun avec son expertise propre. La réalité des faits autour de cette proposition de l'industrie des gaz de schiste nous a guidé pour déterrer une à une plusieurs évidences.

Nous avons commencé à écrire des textes, des mémoires, des lettres aux ministres. Pas facile de réussir à emmener ces gens à voir les réalités qu'on avait déterrées, dégagées  sur le terrain. Il y avait déjà beaucoup de personnes qui grenouillaient autour des gens de pouvoir pour leur montrer d'autres images; des images embellies d'où dégoulinait des dollars et des fausses promesses de richesses. Les dirigeants pensaient n'avoir plus besoin de se déplacer pour venir s'informer sur le terrain: les lobbyistes leur commenteraient le sujet à partir de belles images. Des commissions d'études stratégiques commandaient des modélisations des phénomènes en cause; la commande des études était bien dirigée, bien stratégique justement car le lobby y était présent là aussi. On a produit des modèles qui donnait d'aussi aussi belles images que celles présentées par les lobbyistes. Ça devait donc être vrai toutes ces belles richesses qu'on pouvait avoir simplement en fracturant tout sous nos pieds.


On a continué de notre côté à déterrer, à dégager, à fouiller plus en détails les faits et la réalité. On a fait des conférences, des vidéos de vulgarisation sur cette réalité. On a persévéré sachant que les faits sont têtus et qu'il faut sans cesse revenir sur eux, les rappeler, les montrer tels qu'ils sont au plus grand nombre. Ce plus grand nombre est devenu vraiment très grand. On appelle ça maintenant l'acceptabilité sociale; c'est aussi une réalité. Les promoteurs pensaient pouvoir gérer celle-ci avec leurs outils usuels: les firmes de relations publiques. L'opinion publique ça se manipule et les oppositions ça se résorbe quand c'est bien géré pouvaient-ils croire.  Mais cela n'a pas fonctionné comme ils l'avaient espéré; plus le temps passait, plus l'acceptabilité sociale diminuait. Les citoyens s'informaient sur les faits et leur opposition grandissait encore plus.

Le marketing, ça marche mieux avec des boites de lessives qu'avec des tentatives de lessiver les cerveaux. L'industrie se payait comme beaux parleurs des personnalités bien connues; pas des experts si on en juge par ce qu'ils racontaient comme balivernes. C'était ce que la stratégie marketing avait conseillé: payer des personnalités prestigieuses pour détourner l'attention des faits. Talisman Energy de Calgary, le plus gros joueur s'était même payé un ancien premier ministre. La stratégie marketing a du être changée à quelques reprises vu des insuccès manifestes.


Puis sous la pression populaire, sous la nécessité devenue incontournable, le gouvernement a confié au BAPE le soin de vider la question. Les citoyens et les experts indépendants ont alors enfin pu présenter les faits tels qu'ils les ont vécus, trouvés, déterrés. Les commissaires du BAPE ont consigné ces faits dans un rapport qui traite à la fois des études et visions des promoteurs (rapports gouvernementaux et mémoires de l'industrie) ainsi que des mémoires apportés par les opposants. En tranchant entre ces deux positions, les commissaires du BAPE ont fait un remarquable travail qui a permis enfin de nommer, décrire, analyser les faits perçus initialement il y a quatre ans.

Heureusement que les faits ont été têtus, qu'ils soient demeurés indestructibles.  Les mensonges ne résistent jamais devant une vérité quand ils sont enfin placés côte-à-côte.

Merci au  BAPE  pour ce merveilleux cadeau de Noël.




Merci à tous ceux qui ont travaillé sans jamais douter de ce simple adage: "les faits sont têtus - il suffit d'y tenir et de les ramener sans cesse en avant-plan".


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Dans l'actualité du 19 décembre 2014: Après une longue série d'études durant les quatre années 2010 à 2014, après avoir scruté et souspesé les pseudos avantages économiques de la fracturation du shale d'Utica, le BAPE a produit un rapport étoffé sur l'ensemble des questions qui lui ont été soumises dans les mémoires. À toutes les étapes des études antérieures (ex. ÉES), les aspects économiques ont été pris en compte. 

L’industrie, les chambres de commerce, les promoteurs n'ont traité pratiquement que du sujet économie dans les mémoires qu’ils ont déposés au BAPE, ainsi qu'à toutes les autres commissions précédentes: emplois créés, bilan des taxes générés, autres retombées, etc. Ils n’ont présenté que cet aspect positif, sans jamais avoir un début de réponse aux questions des scientifiques indépendants. Le BAPE a donc traité, parmi bien d'autres aspects, du bilan économique. Il l'a fait en incluant certains coûts d’externalités – ce que les bilans économiques des promoteurs ne font pas, évidemment. Le BAPE n'a pas ajouté le coût réel de toutes les externalités; cela aurait amplifié encore plus le bilan prospectif déjà très négatif qu'il a établi pour cette filière.

On a unanimement salué la qualité du rapport du BAPE publié en début de semaine, y compris les conseillers du premier ministre et Monsieur Couillard mardi. Que voit-on poindre trois jours plus tard? Les chambres de commerce et des promoteurs tentent aujourd'hui de dire que le mandat du BAPE ne devait pas lui permettre de traiter des aspects économiques, qu'il n'aurait pas la compétence pour cela !

Il est curieux, maintenant que les jeux sont faits et que le rapport indique que les retombées présentées par les promoteurs sont fallacieuses, qu'on tente de reprocher au BAPE d’avoir examiné aussi les questions de rentabilité et de retombées affectant l’économie. Le BAPE a fait un bon travail sérieux. Il avait pour trancher ce long débat de quatre ans, toutes les études et tous les mémoires; le processus était sans tache. Les chambres de commerce ne jouent pas franc jeu maintenant dans ce dossier.

J'ai donc une question pour ceux qui formulent cette critique: si vous estimiez que le BAPE n'avait pas à traiter le volet économique, pourquoi alors n'avez-vous fait que cela, soumettre des mémoires sur les retombées économiques?

lundi 1 décembre 2014

L'impact prévisible de l'exploitation éventuelle des roches mères sur les ressources en eau au Sahara septentrional

Dans ce billet de décembre 2014, je me permets de commenter un rapport du BAD (Banque Africaine de Développement) qui traite du sujet bien d'actualité en Algérie: Le gaz de schiste et ses implications pour l'Afrique et la Banque Africaine de Développement.

Le rapport contient des tableaux de données et des estimés qui sont essentiellement basés sur des études du bureau américain EIA (Energy Information Administration) de 2011 et 2012. Elles ont été reprises dans un texte de la firme Ernst and Young 2012 intitulé Natural Gas in Africa. Ces analyses reflètent une vision d’économistes et pas nécessairement celle de géologues et encore moins d’ingénieurs. En faisant ainsi un survol de données compilées par l’agence américaine (EIA*), le rapport de la Banque Africaine de Développement tente d’analyser dans le contexte africain la signification éventuelle des quantités de gaz estimées en place pour les économies des divers pays d’Afrique.

À juste titre, ce rapport énumère les problèmes liés à l’étape de l’exploration et de l’exploitation : la question des grandes quantités d’eau requises pour la fracturation dans le contexte fort différent en Afrique du Nord où la ressource en eau est cruciale pour bien d’autres aspects de l’économie, pour l'agriculture notamment. La question des risques de pollution des ressources en eau y est analysée sommairement, de façon incomplète, car ce rapport traite de quelques risques (1 à 5 ci-dessous) avec un point de vue et avec des arguments parfois très proches de ceux que l'industrie véhicule aux USA. Cette "vision" appliquée en Afrique du Nord y serait absolument catastrophique. Nous expliquerons pourquoi dans cette analyse.

Les risques analysés dans le rapport BAD:
1- Déversements accidentels en surface de produits chimiques et d’eau de reflux. 

2- Fuites au travers de la colonne de ciment des puits; le BAD précise « Ce risque peut être atténué en suivant les meilleures pratiques dans le domaine de la conception et de la construction de puits et en veillant notamment à ce que l’étanchéité en ciment soit réalisée correctement ». On a dit cela au Canada, aux USA aussi, et pourtant les fuites sont omniprésentes, même dans les puits les plus récents. Ce que l'industrie se donne comme les meilleures pratiques ne permet absolument pas d'empêcher les fuites de se produire; elles sont même inévitables à moyen et long termes dans les puits vieillissants.

3- Fuite dans le roc fracturé vers les nappes; là aussi le rapport reprend un énoncé omniprésent dans les documents des promoteurs: « Ce risque est en général peu probable car les couches de schiste se trouvent souvent à des profondeurs de 1000 à 3000 mètres »  et plus loin une autre affirmation du même type: « une bonne connaissance de la géologie locale permet de détecter les endroits où l’étanchéité de la roche n’est pas parfaite ». Il est impossible de connaître avec tout le détail requis l'ensemble des failles et des fractures qui constituent sous terre des ensembles complexes affectant l'étanchéité du roc. On cartographie surtout les grandes failles reconnues en surface; en profondeur les relevés sismiques ne peuvent que donner une image très simplifiée du substratum, jamais le détail des fractures individuelles. Les deux affirmations que j'ai cité ici en italiques sont fausses.

4- Déversement d’eau polluée dans les eaux souterraines. « Ce risque est potentiellement le plus grave, mais il peut aussi être facilement règlementé » dit le BAD.  L’effet d’une règlementation ferait disparaitre le risque? C’est de la pensée magique! Les risques ne disparaissent pas ainsi et l’application d’une règlementation visant ce qui se passe en termes d’écoulement souterrain est en pratique impossible à mettre en oeuvre, car les moyens requis pour l’inspection et le suivi des écoulements souterrains seraient si considérables qu’ils ne sont jamais mis en œuvre, même dans des pays riches comme les USA et le Canada.

5- On traite aussi du risque sismique, lequel n’est pas vraiment lié à la fracturation hydraulique en tant que tel; c’est un risque qui existe pour une activité périphérique de cette industrie, celle de la disposition des eaux de fracturation par l’injection profonde dans le substratum.

Omission de taille
Le rapport du BAD comporte une omission de taille: ce qu'il adviendra des puits et du schiste fracturé une fois passée la courte période de l'exploitation. Le processus de migration du gaz va se poursuivre bien après. La cimentation des puits va se dégrader dans le temps; cela va mener à des fuites qui vont avoir un impact permanent sur les nappes et l'atmosphère. Nous avons analysé les mécanismes et les conséquences de cette dégradation dans le billet du mois de novembre.

Le contexte très particulier des ressources en eau d’Afrique du Nord rend très problématique l’exploitation éventuelle des hydrocarbures de roche mère, car cela menace de façon directe une ressource bien plus importante, celle des nappes souterraines. La figure ci-dessous donne une vue oblique des nappes du Sahara septentrional; on y retrouve deux regroupements de couches  aquifères désignées ainsi : CT (Complexe Terminal)  et CI (Continental Intercalaire). Ce système hydrogéologique est bien documenté et décrit avec précision dans le rapport Système aquifère du Sahara septentrional, SASS/OSS, 2012.






Figure 1  Vue oblique de trois bassins de roche mère (gaz et pétrole) au pourtour des aquifères du Sahara septentrional (image reprise en plus haute résolution dans l'annexe plus bas).



Nous avons ajouté sur la figure 1 trois bassins considérés comme des sources éventuelles de gaz et de pétrole de schiste (hydrocarbures de roche mère): le bassin Timimoun dans l’ouest de l’Algérie, le bassin Mouydir au centre et le grand bassin Ghadames/Berkine qui couvre l’est de l’Algérie, le sud de la Tunisie ainsi que l’ouest de la Libye. Les données des bassins contenant des shales (ou roche mère pour le gaz et pétrole de schiste) sont  tirées de la référence EIA/ARI 2013. Un tableau des paramètres des bassins Ghadames, Mouydir et Timimoun est donné en annexe au bas de ce texte.


Il y a d’autres bassins d’hydrocarbures, mais nous avons dessinés le contour de ces trois là, car ils sont susceptibles d'interférer directement avec le grand système aquifère du Sahara septentrional; ils existent juste en dessous des points de captages d’eau, tant des nappes du CT (en rouge sur la figure 1) que des nappes du CI (en bleu sur la figure 1). 

Ces ressources en eau ont été sollicitées de façon intensive depuis 1970 (fig. 2), ce qui a eu comme conséquence un abaissement des niveaux piézométriques; « L’accroissement des volumes pompés et le développement de l’agriculture saharienne se répercutent au niveau de ces nappes sahariennes sous forme du tarissement des sources et de l’affaiblissement de l’artésianisme. Cette exploitation croissante est susceptible d’entraîner à long terme, dans les zones vulnérables, des changements dans la qualité de l’eau » Système aquifère du Sahara septentrional,  SASS/OSS, oct.2012,  284 p.

Figure 2  L'augmentation des prélèvements d'eau globaux dans les nappes du CI et du CT (tiré de SASS/OSS 2012).

L’âge de ces eaux varie de 18000 à 40 000 ans pour le CI et entre 3 500 et 25 000 ans pour le CT ce qui indique que ces réserves d’eau localisée dans les nappes captives se sont constituées à une époque ancienne (Quaternaire) où le climat était très différent et la plus pluviométrie bien plus prononcée. Les prélèvements d'eau, spécialement ceux des dernières décennies se font dans les réserves géologiques d'eau souterraine, ce qui signifie que les niveaux des nappes baissent en conséquence de ces prélèvements. La ressource en eau se fait de plus en plus rare et la qualité de l'eau risque aussi d'être affectée; en effet, un abaissement du niveau piézométrique favorise les intrusions des eaux plus minéralisées des formations géologiques sous-jacentes.

Dans le cas où on irait forer des milliers de puits pour l'exploitation des gaz et pétroles contenus dans la roche mère, on irait à coup sûr aggraver de façon très significative la situation déjà précaire des nappes d'eau douce. Même en supposant qu'on épargnerait ces nappes pour fournir les énormes quantités d'eau requises pour la fracturation hydraulique (~20 000 000 litres/puits), ces milliers de conduits (les forages illustrés sur la figure 3 et 4) vont constituer de façon permanente des voies de communication qui permettront la migration des divers contaminants vers les aquifères. Par exemple pour exploiter 10 000 Km2 de roche mère (schiste ou "shale"), il faut 20 000 à 30 000 puits; ils sont généralement regroupés en six, huit ou même dix puits par plateformes, comme dans l'exemple donné à la figure 3.



Figure 3  L'exploitation d'une couche de roche mère (shale ou schiste contenant des hydrocarbures disséminés dans la masse) se fait par la juxtaposition de milliers de forages pour la fracturation en continu de la couche ciblée.

Les promoteurs de l'exploitation du pétrole et gaz de schiste (je préfère employer "hydrocarbures de roche mère) avancent toujours l'argument qu'il y a 1000 ou 2000 mètres de couches "imperméables" entre le bas des aquifères et les couches de roche mère du pétrole et du gaz. La présence de ces couches constituerait une barrière naturelle éliminant tout contact hydraulique entre les deux. C'est en partie vrai dans les conditions naturelles, mais cela devient totalement faux dans les conditions perverties par la fracturation artificielle de milliers de Km2 ainsi que par l'implantation de milliers de conduits qui traversent les couches tampons: figure 4 ci-dessous:


Figure 4  La contamination des nappes du CI et du CT en raison de la présence des milliers de conduits nouveaux. Vue souterraine modélisée avec des regroupements de six puits par plateforme,  en enlevant le roc sous la surface pour permettre une vue des puits en 3D. Ces diverses strates de roc sont listées dans l'ordre de leur superposition dans la colonne stratigraphique à gauche sur la figure; la roche-mère ciblée pour une exploitation par fracturation hydraulique est celle encadrée dans le Silurien.


La cimentation des puits, même les plus récents, est toujours le maillon faible de cette technologie. C'est un problème omniprésent et récurrent. Le vieillissement des puits une fois arrivés en fin de production et abandonnés, amène ces cimentations à se dégrader. Chacun des puits devient à moyen et long termes un conduit hydraulique entre les couches profondes, celles qu'on a fracturées de façon massive et étendue, et les couches aquifères plus près de la surface. Quand on se retrouve avec des milliers de ces conduits, la nature de la barrière que constituaient les strates intermédiaires ne compte plus beaucoup. On met en péril la ressource hydrique et le reste de l'économie de tout un pays.

 Les analyses plus récentes mettent fortement en doute les valeurs annoncées par l’EIA, car elles indiquent que la production réelle des sept champs producteurs aux USA sont très inférieures aux valeurs annoncées par l’EIA (http://www.globalresearch.ca/the-uncertain-future-of-shale-gas-report-casts-doubt-on-us-hydraulic-fracking-production-numbers/5410981).



Références

Système aquifère du Sahara septentrional,  SASS/OSS, oct. 2012,  284 p.

EIA/ARI World Shale Gas and Shale Oil Resources Assessment June 2013AIA/ARI World Shale U.S. Energy Information Administration U.S. Department of Energy, pp. XV 1-28 (Algérie), pp. XVI 1-10 (Tunisie) et pp. XVII 1-26 (Libye).

Ernst and Young. 2012, African oil and gas:driving sustainable growth
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Tableau des paramètres des bassins Ghadames/Berkine, Timimoun et Mouydir pour le gaz de schiste (adapté de EIA/ARI 2013)




Figure 1 reprise en taille originale ci-dessous:


Ajoutons un petit commentaire tout à fait anecdotique: la couverture du rapport de la Banque Africaine de Développement est illustrée avec l'image ci-contre   ---------------------------------------------------->
On y voit un puits de gaz de schiste et la fracturation du roc dans la partie horizontale du forage. C'est à l'évidence un schéma très simplifié, un logo presque; je conçois très bien que ce choix d'icône soit simplifié à l'extrême et ce n'est pas là ce que je trouve à redire. 
Par contre, on a choisi dans ce schéma de brancher le conduit d'extraction du gaz au sommet d'un derrick!
Tout ceux qui ont la moindre expertise vous diront que le derrick sert au début lors des opérations de forage. Il n'est plus du tout en place quand on est arrivé à l'étape de raccordement du puits au gazoduc; cela se fait au sol à la tête du puits. Certainement pas au sommet de la tour d'un derrick! Même dans le cas d'un schéma, l'erreur est flagrante et cela jette un doute sur l'expertise pratique des auteurs du rapport.

mercredi 5 novembre 2014

La campagne de forages 2014 à Anticosti - un bilan sommaire

Selon un communiqué* de Pétrolia, la campagne de dix-huit forages initialement prévus pour 2014 se solde par un bilan de seulement quatre forages réalisés, plus quelques autres à divers degrés d'achèvement. Le programme a pris du retard au départ et a aussi rencontré son lot de pépins additionnels. Travaux de forage terminés pour l'année à Anticosti 

À l'annonce de la création du consortium Hydrocarbures Anticosti, le gouvernement prévoyait de plus un deuxième volet en y réservant 45M$ pour la partie sud de l'Île, celle des permis détenus par Junex. Junex avait jusqu'au 31 octobre 2014 pour trouver un partenaire, comme l'a fait Pétolia. Ce deuxième volet aurait normalement permis d'ajouter huit à dix forages d'exploration pour la partie sud. Or, Junex annonce qu'il s'abstiendront de démarrer leur volet à Anticosti n'ayant apparemment réussi a dénicher un partenaire pour l'aventure.

Quatre forages complétés (éventuellement cinq avec un autre en cours) ne permettront surement pas de mettre en branle en 2015 la phase 2 initialement annoncée: celle de forer trois puits avec extension horizontale et fracturation. On prévoyait aussi qu'un ou deux autres puits avec fracturation pour la portion Junex au sud. Les forages 2014 présentent un trop maigre bilan pour permettre l'analyse que le gouvernement souhaitait faire d'ici le printemps 2015 avant de donner le feu vert pour la réalisation la phase 2, celle qui implique la fracturation.







Comme on peut le constater sur la figure ci-dessus, la mise en oeuvre de la fracturation demeure une question très problématique  à Anticosti, spécialement pour la partie détenue par le consortium Hydrocarbures Anticosti financé par le gouvernement du Québec. Les forages de cet été et ceux qui seront réalisés l'an prochain pour compléter le programme entrepris ne changeront rien à cette situation. La profondeur du shale Macasty est connue et cartographiée avec les nombreux relevés sismiques et les 22 forages réalisés de 1963 à 2012; cette donnée sera peut-être rendue plus précise par l'ajout des quatre derniers forages, mais la position du shale changera pas fondamentalement. Le "bug" illustré par la figure ci-dessus, demeurera toujours en place.















Les quatre forages complétés que mentionne le communiqué ont recoupé des épaisseurs de 60m,  67,5m,  30m  et 13m respectivement. À une exception près, ces données sont conformes à ce que donnait déjà la carte des épaisseurs du shale; elles étaient déjà compilées dans l'étude Sproule 2011. L'exception est le forage du Lac-Martin où le Macasty ne ferait que 30 m d'épaisseur, soit moins épais que ce que laissait entrevoir la modélisation de 2011.

communiqué de Pétrolia, 3 nov.2014

Note sur l'appellation "sondage stratigraphique".

Sur le site du gouvernement du Québec Exploration à Anticosti, on donne ci-contre la définition officielle de la nouvelle appellation créé pour désigner les forages réalisés par Pétrolia et plus récemment Hydrocarbures Anticosti; un sondage est donc simplement une opération pour recueillir des données. Pour comprendre la raison de cette appellation, il est bon de faire un rappel de quelques dates de 2014:
13 mars 2014: Le CQDE dépose une requête en jugement déclaratoire impliquant Junex, Pétrolia, MDDEFP, pour travaux de forages d'exploration d'hydrocarbures faits ou prévus sans permis.

9 juin: arrêté ministériel pour forages à Anticosti 15 jours avant la date prévue pour l'audition de la requête du CQDE. L'arrêté crée une nouvelle appellation "sondage stratigraphique", ce qui contre la requête du CQDE qui visait les opération de forages.


fin juillet: publication du Règlement sur le Prélèvement des Eaux et leur Protection qui définit (art 33 à 36) le "sondage stratigraphique"(RPEP, une analyse).




4 novembre: Pétrolia annonce la fin de la campagne de forages 2014 à Anticosti.

Le gouvernement, à la fois juge et parti puisque le MDDEFP était impliqué dans la requête du 13 mars, a choisi cette année à deux reprises* d'ajuster sa juridiction en fonction des impératifs de la poursuite de travaux de forage. Les fonctionnaires ont réalisé un minutieux travail pour expurger le mot "forage" d'une foule de documents concernant Anticosti. Même trois forages fait en 2012 par Pétrolia à Anticosti ont vu leur description rajustée dans la banque des données de forage du MERN. Toutes les fiches d'inspection du MDDELCC à Anticosti ne mentionnent jamais que les inspecteurs vont inspecter des sites de forage; on n'y parle pas des foreuses, des foreurs rencontrés, etc. Cette situation tout à fait incongrue ne concerne évidemment que la langue française. Les textes et les nouvelles en anglais continuent d'appeler une tour de forage drilling rig, Pétrolia dans ses communiqués anglais parle bien de "four-well drilling campaign", on a affiché des postes de "drilling Supervisor", etc.

Nous continuerons donc ici dans ces textes à nommer un chat "un chat". Désolé pour les compagnies sondage CROP ou Léger, elles ne peuvent obtenir les lucratifs contrats de sondage  à Anticosti; le roc demande et demandera toujours qu'on y fasse des forages  pour obtenir des échantillons à étudier, et ce sont des compagnies de forage qui exécutent ces contrats.
Lors de déclarations publiques, les fonctionnaires, ministres ont une consigne très stricte de n'utiliser que l'expression "sondages stratigraphiques" dans leur propos sur Anticosti. Cependant le premier ministre Philippe Couillard, pour une fois, a lui aussi appelé un chat "un chat". On l'en félicite:
« Prenez Anticosti qui a été démarré malheureusement [...] par l'ancien gouvernement [...]. On va avoir un rapport là-dessus. Là on a permis les explorations par forage. La prochaine phase d'exploration avec de la fracturation hydraulique, ça, c'est une autre question. Alors il y a une évaluation spécifique en cours, on va la regarder attentivement, et il n'est pas certain que cette exploration pourra se continuer. On prendra la décision à ce moment-là.» .Le premier ministre répond aux questions des Années lumière, dimanche 19 avril 2015

* L'autre ajustement de texte de règlement concerne la "norme" des 400 m