Document R-1 en réponse à "Debunking Durand" sur le site de l'afspg /ogsaq
Un document de sept pages titré "Debunking Durand" et sa traduction française de huit pages "Démystification des propos de Monsieur Durand" ont été diffusés sur le fil de presse le 21 juin 2012. J'ai hésité à répondre à ces textes, car leur(s) auteur(s) n'ont pas daigné signer leurs documents. Ils sont hébergés sur le site de M. Mario Lévesque, propriétaire de Séismotion et président de l'Association québécoise des fournisseurs des services pétroliers et gaziers.
Néanmoins, je vais répondre à ces deux documents, qui sont truffés d'erreurs factuelles et d'interprétation erronées de mes propres documents que j'ai publiés sur le projet d'exploitation du shale gazéifère de l'Utica au Québec.
Le titre français "Démystification des propos de Monsieur Durand" annonçait ce que j'aurais espéré: une analyse critique des arguments et questionnements que j'ai soulevés depuis plus d'un an sur le gaz de schiste. Il n'en est rien hélas dans ce texte et dans sa traduction. Faute d'avoir des arguments scientifiques structurés, les auteurs anonymes se livrent en fait à une tactique vieille comme le monde: dénigrer le messager. Le titre du document anglais "Debunking Durand" est bien plus descriptif de l'objectif réel de ces textes; c'est ma crédibilité qui est la cible des auteurs et cela est perceptible dans tout le texte, tant en anglais qu'en français.
En plus d'un descriptif erroné de ce qu'ils croient être mon expertise, les auteurs ont parsemé leurs textes des petits bouts de phrases qui suggèrent que je serais incompétent, même dans des questions très élémentaires et des principes de base de physique. Voici quelques exemples de ces énoncés:
…méprise très élémentaire relativement à la géologie de l'Utica...
...dans le but de faire peur à son auditoire...
...une décision motivée par des raisons ...
...Il s’agit ici d’une méprise fondamentale du concept de gravité ...
...Durand dresse une liste de problèmes rares tout en ayant une compréhension limitée de la technologie employée selon les pressions utilisées...
Ces documents ont été mis sur le fil de presse et mettent en cause mon expertise dès le premier paragraphe. Je me dois de répondre sur ce point et ce sera l'objet de ce premier texte. Par ailleurs, l'analyse de concepts se fait normalement, en sciences, dans un texte signé par un ou des auteurs dont les compétences en la matière sont signalées de façon explicite. Cela n’a malheureusement pas été le cas ici, mais je me dois de reprendre certains des énoncés des auteurs qui me paraissent souvent réducteurs, sinon erronés.
Ce sera une bonne occasion de reprendre des explications et d'exposer quelques détails supplémentaires pour éliminer tout malentendu sur mes propos. Ce premier texte précisant mon champ d'expertise est complété par d’autres qui traiteront successivement des sujets suivants :
Document R-2 - Le débat scientifique du 12 juin à Sherbrooke -
Document R-3 - Le poids des roches -
Document R-4 - La circulation des fluides -
Document R-6 - Le pourcentage de gaz exploitable commercialement -
Le dossier des gaz de schiste a très certainement un volet scientifique auquel je souhaite très sincèrement apporter une contribution et c'est en ce sens que j'ai produit des documents où j'ai exposé mes connaissances acquises en 40 ans de carrière. Cependant, ce même dossier fait actuellement l'objet d'une intense controverse, où chacun est libre d'apporter son point de vue. Je souhaite personnellement demeurer autant que possible dans le domaine scientifique. Mais dans le projet d'exploiter le shale d'Utica, nous sommes dans un domaine de sciences très appliquées. Plus on s'approche de l'application, plus on s'aventure dans des aspects controversés. Je crois que les auteurs du document"Debunking Durand" ont largement dépassé la barrière en me dénigrant en tant que personne et expert. Je n'ai pas d'autre choix pour rectifier les faits que de m'avancer un peu moi aussi hors du strict domaine où j'aurais souhaiter demeurer.
Avant d'aborder les aspects plus techniques, le texte anonyme, dans ses deux versions, s'attarde à parler de moi "Marc Durand est un ingénieur en stabilité des sols ayant de l’expérience à proximité de la surface, en particulier pour ce qui est du métro et du réseau d’égouts de Montréal…" Leur première page se consacre à analyser l'expertise qu'ils pensent que j'ai pour démontrer que je ne connaîtrais rien de la géologie profonde, ce qui en fait est erronné. Cette référence réductrice à la géologie du Métro de Montréal, on me l'accole régulièrement; Michael Binnion a déjà écrit tout cela presque mot à mot dans son blogue intitulé: De la pertinence des experts du Métro qui se terminait ainsi : "Géologues du métro et paléontologues priés de s’abstenir".** Il y dénigrait mon collègue Y. Pageau et moi-même de façon tout à fait injustifiée. Les auteurs de Debunking (MM. Lévesque et Binnion manifestement) se cachent sous un anonymat très commode. Ils n'ont aucune idée de mon champ d'expertise réel entre 1972 et 2012; en 40 ans de carrière, j'ai acquis une expertise bien plus large que celle qu'ils citent et qu'ils résument à la géologie du métro, une activité qui ne couvre que la période 1972-74, période de mon post-doctorat qui portait sur la géotechnique des grands travaux à Montréal.
«M. Durand a fait de nombreuses présentations à titre d'expert mais ses opinions n'ont jamais été revues et approuvées par des géologues. D'ailleurs, M. Durand n'est pas et n'a jamais été membre en règle de l'Ordre des géologues » a déclaré M. Mario Lévesque lors du communiqué de presse du 21 juin 2012 annonçant la publication de "Debunking Durand". Je me dois ici aussi de rétablir les faits quant au titre de géologue. Tout d'abord je tiens à rappeler que comme professeur-chercheur à L'Université, j'ai de tout temps publié mes recherches avec les normes universitaires d'évaluation par l'opinion des pairs; prétendre le contraire est un grossier mensonge.
Je ne me désigne pas comme géologue, terme réservé depuis 2001, année de la création de l'Ordre des Géologues du Québec (OGQ). J'ai appuyé le principe de la création de cet ordre professionnel; bien qu'il ne pouvait d'aucune façon me convenir personnellement, je le croyais utile pour les étudiants qui sortaient de mon département avec une formation de géologue. J'ai une formation d'ingénieur en géologie (anciennement désigné: ingénieur-géologue jusqu'en 2001) que j'ai acquise à Polytechnique de 1964 à 1968. C'est donc l'OIQ (Ordre des Ingénieurs du Québec) qui a pour moi encadré l'exercice de ma profession depuis 1968. J'ai été professeur-chercheur de 1974 à 1999 au Département des Sciences de la Terre et de l'atmosphère, UQAM. J'ai contribué, je le pense bien, à former une bonne partie des géologues diplômés au Québec. Malgré cela, j'évite depuis 2001 de me désigner par le terme "géologue", car techniquement cette appellation est réservée au Québec aux membres de l'Ordre des Géologues du Québec (OGQ).
La formation en ingénierie est plus longue et plus complète qu'un baccalauréat en sciences pures. Les géologues formés à l'UQAM ne peuvent donc être admis à l'Ordre des Ingénieurs. C'est de ce besoin d'encadrer la pratique de la géologie qu'est née la création en 2001 de l'Ordre des Géologues du Québec (OGQ).
Ayant un baccalauréat, une maîtrise, un doctorat et un post-doctorat en géologie appliquée, ayant dirigé de plus pendant dix ans les programmes de Maîtrise et Ph.D en géologie à l'UQAM, j'ai donc été identifié quelques fois par d'autres comme "géologue". Mais il est important de me désigner comme ingénieur en géologie; la nuance est subtile, mais importante, car l'Ordre des Géologues (OGQ) détecte avez zèle ceux qui utilisent le terme géologue sans être membre de l'OGQ.
La grande différence entre un géologue et un ingénieur-géologue, ne réside pas tant dans leurs connaissances géologiques qui sont à peu près équivalentes. Non, l'ingénieur a en plus la responsabilité professionnelle d'élaborer des plans et de réaliser des études pour des ouvrages bien réels implantés dans la géologie. C'est une différence comparable à cette qui distingue un biologiste et un médecin: pour le médecin, ses connaissances scientifiques impliquent une application immédiate où sa responsabilité personnelle est au premier plan. Pour cette responsabilité accrue, l'ingénieur a une formation plus complète dans des cours d'ingénierie, d'où des études plus longues et un ordre professionnel très ancien et bien reconnu pour encadrer cette responsabilité.
À l'université, une des choses importantes qu'on rappelle aux futurs géologues est l'importance d'acquérir une expertise par eux-même en continu pour élargir la formation reçue à l'université. J'ai évidemment appliqué à moi-même cette recommandation; depuis 2010 mon intérêt nouveau pour l'industrie des gaz de schiste a mis en branle une recherche intensive, afin d'augmenter une expertise dans ce domaine connexe, mais distinct de mes activités précédentes. Le shale d'Utica et les autres composants de la géologie ordovicienne de la plaine du St-Laurent, c'est mon domaine de recherche depuis 1968. J'ai été témoin-expert pour des tunnels dans ces formations rocheuses. Avec mon intense recherche personnelle dans le domaine des shales gazéifères, je suis compétent pour exprimer une opinion éclairée sur les aspects géologiques, géotechniques et hydrogéologiques dans ce dossier.
Je tiens aussi à rectifier une imprécision dans la première ligne de la version française du texte "Démystification…", on écrit : "Marc Durand, Ph.D." Le doctorat que j'ai complété en France de 1969 à 1972 à l'Université de Nancy (ENSG) est un doctorat d'ingénieur (Doct-Ing). En Amérique du Nord, c'est le Ph.D qui est décerné. C'est donc inexact d'accoler "Ph.D", comme "géologue" aussi, à la suite de mon nom et je ne le fais jamais.
Pour ceux qui s’interrogeraient sur mon activité scientifique dans le domaine, je mentionne que j'ai soumis récemment deux textes scientifiques pour publication*. J'ai également eu l'occasion au cours des douze derniers mois de présenter mes exposés lors de conférences et de colloques à l'École Polytechnique, aux universités de Sherbrooke, Laval, à l'UQAM, également lors d'un colloque du conseil scientifique des universités de Paris, etc.
Je me plie donc volontiers au jugement de mes pairs; je le recherche activement. Les géologues de l'industrie ont déjà un point de vue totalement orienté vers les aspects commerciaux de la ressource, donc fort différents du mien, car je m'attache aux lacunes dans l'ingénierie des puits et aux risques à long terme pour l'environnement. Ces experts de l'industrie, n'ont jamais cru utile d'étudier les questions que j'aborde, car l'industrie n'a historiquement été que très peu liée au devenir des puits après abandon. Je ne pourrais donc pas m’étonner si ces experts de l'industrie n'appuient pas mes questionnements.
Marc Durand, Doct-ing en géologie appliquée
* deux textes anglais soumis au Journal of Environmental Studies and Sciences (JESS), Special Issue on Marcellus Shale, anticipate publication: June 2013. Également une communication en français au Colloque Gaz et Huile de Schiste, Paris 2012 dont les communications écrites soumises été publiées en juillet 2012: Compte-rendu du Colloque, pp.173 à 185.
** Le texte en français est maintenant disparu de sa page, mais la version anglaise demeure.
** Le texte en français est maintenant disparu de sa page, mais la version anglaise demeure.
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