vendredi 15 juillet 2016

Hydrocarbures Anticosti S.E.C mis à SEC


Note en préambule: l'actualité se bouscule pour Anticosti. Je reprends ci-dessous comme billet du milieu du mois ce texte mis en ligne surma page Facebook hier. En moins de 20 heures plus de 2200 lecteurs ont lu ce texte. Comme plusieurs personnes n'aiment pas ou n'ont pas accès à Facebook, je reproduis donc ci-dessous ce texte:


Anticosti: les deux pigeons dans l'affaire semblent avoir enfin compris: ils retiennent leurs versements. Pétrolia en colère poursuit donc ces deux pigeons (ceux qui payaient la note): Investissement Québec (57%) et Maurel&Prom(43%). La part dans les dépenses pour Pétrolia et Corridor Ressources est à 0%. Quand on est rendu à se chicaner devant les tribunaux, ca sent la fin. Le juge donne une semaine aux partenaires pour s'entendre.

On entend toute sortes d'arguments à propos du pour et du contre du développement pétrolier à Anticosti, mais rarement traite-on de l'analyse économique de cet hypothétique gisement. On se réfère encore en 2016 aux 43 milliards de barils du rapport Sproule qui date de 2011. Personne ne se préoccupe des campagnes de forages des étés 2014 et 2015 qui ont été réalisés en grande partie (57%) par des fonds d'Investissement Québec.   La dernière étude de la Commission Géologique du Canada fournit une compilation des douze forages récents (2014 et 2015) qui s’ajoutent aux données des vingt autres forages plus anciens. Cette étude contient les éléments qui démontrent sans l’ombre d’aucun doute que la rentabilité d’une telle aventure est inexistante (http://bit.ly/28SthXT).  Toutes ces données techniques peuvent sembler complexes au premier abord; je vous les résume donc ainsi:

1) L’estimé du total (gaz + pétrole) d’hydrocarbures en place est passé de 46 milliards de barils -> à 37 Gbbl avec les dernières données.

2) Pour la portion du territoire (1662km2 sur 7219km2 pour la totalité des permis) que le gouvernement a ciblé dans son étude économique (scénario optimisé), il y a en place 8,8 milliards de barils (2,3 en gaz + 6,5 en pétrole).

3) Ce qui serait récupérable en pétrole dans l’estimé bas est 0,078Gbbl  et 0,117Gbbl dans l’estimé haut.

En millions de barils, c’est donc entre 78 et 117Mbbl; traduit en dollars à 100$/baril cela donnerait : entre 7,8 et 11,7 milliards de dollars en valeur brute extraite.  Or les coûts pour 4155 puits requis (à 10M$/puits) représentent 42 milliards de dollars. Quatre fois plus !

Un baril à 400$ est inimaginable, car rendu là le coût des puits ne serait plus 10 millions dollars pièce. Il est tout à fait inutile de pousser l’exploration plus loinIl y aurait la valeur du gaz qui s’ajouterait, mais au prix maximum possible d’imaginer pour le gaz, cela serait aussi hautement déficitaire. Les infrastructures pour traiter le gaz sont exorbitantes, plus de dix milliard de dollars au départ pour les infrastructures spécifiques au gaz, sans compter les coûts de frais opérationnels ajoutés pour traiter ce gaz.

Pourquoi Pétrolia tient à l’exploration?  Pétrolia n’est pas un exploitant et n’aura jamais la capacité de trouver du financement pour passer à une telle étape. Pétrolia est une « junior »* et comme toute junior  c’est en tentant de maintenir une valeur factice à ses permis d’exploration qu’ils espèrent faire un bénéfice. D’autant plus que dans ce cas ci, d’une façon tout à fait exceptionnelle, leur part dans les dépenses d’exploration est 0%. Le risque inhérent à toute campagne normale d’exploration est en totalité supporté dans le cas d’Anticosti par les fonds publics (57%) et par Maurel&Prom (43%).

L’article de LaPresse+ du 13 juillet se termine ainsi: « Hydrocarbures Anticosti pourrait encaisser des revenus de 169 milliards et des profits de 75 milliards sur une période de 75 ans, selon les estimations du ministère des Finances incluses dans l’EES ». Cette donnée élaborée par les promoteurs est à l’origine de toute cette saga. Elle a été démontrée fausse et basée sur des erreurs de calcul flagrantes. C’est pourtant avec ce type d’affirmation que les promoteurs ont obtenu un important financement public.

Maurel&Prom, tout comme le gouvernement voient maintenant que la valeur factice de 100M$ attribué en 2014 à la contribution de Pétrolia et Corridor étaient basée sur du vent. L'affaire est plus délicate pour le gouvernement dont certains fonctionnaires-promoteurs sont à l’origine des rapports erronées dont les conclusions ont été reprise par l’ÉES**; le gouvernement a été floué par lui-même. Maurel&Prom se sent certainement floué aussi et n’accordera sans doute plus aucun fond à cette aventure sans issue commerciale viable. Quant au gouvernement, qui depuis des mois n’a qu’une tactique celle de laisser trainer les choses, il est sans doute très heureux de voir arriver dans le décor une demande d’arrêt des travaux de la part des communautés autochtones. Ils feront le travail qu’il n’ose pas faire lui même.

Il restera cependant un travail que le gouvernement devra faire lui-même: un sérieux questionnement auprès de certains de ses propres fonctionnaires et une révision des règles pro-pétrole qu’ils ont élaborées en s’inspirant fortement de ce que le lobby de l’industrie formulait.
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* J’emploi le terme ‘junior’ dans un sens qui n’a aucune connotation péjorative a priori. Le terme ‘junior’ indique dans le domaine minier et l’industrie d’exploration géologique, des compagnies dont la capitalisation est modeste (<200M$) par rapport aux grands joueurs de l’industrie. Les cie juniors sont actives en général à l’étape exploration; elles vendent ensuite leurs droits miniers à des gros exploitants une fois qu’elles ont délimité le gisement potentiel.
** Évaluation environnementale Stratégique spécifique à Anticosti.


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