samedi 22 octobre 2016

L’étude de la loi 106 en commission parlementaire

Lors de la séance du 18 octobre 2016 de la Commission qui étudie le projet de loi 106, il y a eu la présentation d’une motion par le député Alain Therrien; voir la vidéo à la minute 19:36. Le député A. Therrien présente ensuite l’objectif de la motion. Elle vise à faire entendre à la Commission un autre son de cloche que celui présenté par l’ingénieur-géologue Maurice B. Dusseault. Il a exposé une vision “angélique” de la fracturation hydraulique, qui nie ou minimise presque tous les problèmes connus. Il serait bon, selon le député Alain Therrien, de contrebalancer cette vision par celle d’un autre ingénieur-géologue, le professeur Marc Durand que la Commission devrait entendre.

Le député libéral Serge Simard prend ensuite la parole pour rejeter cette motion. Il explique que M. Durand n’a pas déposé de mémoire et que les points de vue de M. Durand ont été entendus à la Commission dans les présentations de quelques groupes. Tout se termine ensuite à la minute 36:25 par le rejet de la motion. La Commission rejette donc par ce fait l’idée d’entendre l’expert Marc Durand.

Étant directement impliqué par ces interventions, je crois utile de faire les commentaires suivants:    1) Aucun groupe, militant ou non, n’a exposé devant la Commission mes propres éléments d’analyse et personne n’est venu contrebalancer le témoignage de l’unique expert en génie géologique choisi par la Commission (M. Dusseault). Je présente toujours moi-même mes analyses sur ce sujet que je couvre depuis 2010 et pour lequel j’ai consacré bénévolement plus de 5000h d’expertise.   2) Je suis un chercheur indépendant; je ne suis pas rattaché à aucun groupe militant; je ne suis pas relié d’aucune façon à l’industrie des hydrocarbures ni à aucun détenteur de permis d’exploration.    3) Le député Simard se trompe quand il affirme que je n’ai pas déposé de mémoire; en réalité j’en ai déposé trois. J’ai également envoyé récemment à la Commission une lettre commentaire que je reproduis au bas de ce texte.

Le professeur Dusseault et moi-même sommes tous deux des ingénieurs géologues détenteurs de doctorat et ayant fait carrière à titre de professeurs-chercheurs dans un département de Sciences de la terre. M. Dusseault est membre de l’ordre professionnel des ingénieurs de l’Ontario et de celui de l’Alberta où son activité l’amène dans l’industrie pétrolière. De mon côté, je suis membre de l’Ordre des Ingénieurs du Québec depuis 1968. Nos spécialités d’enseignement et de recherche sont dans les deux cas le génie géologique, la géomécanique et l’hydrogéologie. Nos conclusions sur le sujet de l’exploitation des hydrocarbures de roche mère par la fracturation induite convergent sur certains points, mais diffèrent dans beaucoup d’autres. Mon analyse est beaucoup plus critique des pratiques de l’industrie pétrolière où je n’y ai aucun lien ou intérêt économique. Contrairement à lui, je ne détiens pas de brevet relié à la fracturation, et je n’ai jamais signé de contrat payant pour mes services sur ce sujet particulier.

J’ai soigneusement écouté et lu la présentation de Maurice Dusseault. Contrairement à sa grande rigueur habituelle que je respecte dans d’autres dossiers, il fait dans ce cas-ci beaucoup d’affirmations non supportées par l’objectivité scientifique. J’aurais souhaité exposer aux députés pourquoi le contexte idyllique présenté par M. Dusseault ne correspond pas aux faits et aux réalités du contexte géologique du Québec pour lequel j’ai une expertise détaillée bâtie par des travaux de recherche depuis 1969.

Après avoir entendu cette présentation de M. Dusseault le 18 août 2016, j’ai fait parvenir le lendemain à la Commission et à son président le ministre Pierre Arcand le commentaire suivant:

“Mon commentaire s'adresse au ministre P. Arcand qui a semblé très impressionné par le témoignage du professeur Maurice B. Dusseault à la séance du 18 août à 14h02. Je tiens à informer monsieur le ministre Arcand qu'il y a dans le monde scientifique des opinions d’experts qui diffèrent largement de l’opinion que vous a exprimée M. Dusseault. M. Dussault vous a servi une sorte de crédo (très similaire à celui de l’industrie en fait) où tous les risques sont minimisés. Dans les quelques cas où il se résigne à reconnaitre l’existence de problèmes du bout des lèvres, il explique "que la technique va s’améliorer". C’est navrant d’entendre ce type d’exposé de la part d’un scientifique. Si on s'en tient aux faits, ceux-ci contredisent les propos de M. Dusseault sur le peu de danger que présenterait la fracturation hydraulique, sur l’impossibilité de la remontée de méthane au travers des couches géologiques, sur la prétention que l'industrie pétrolière serait moins risquée que l'agriculture, etc. Si j’avais eu l’occasion d’exposer mon point de vue, je répliquerais qu’il n’y a pas, comme la commission le présente, d’un côté l’exposé scientifique d’un expert pétrolier (M. Dussault) et de l’autre des craintes non-scientifiques des écologistes. Il y a au contraire sur le seul aspect géologique et géotechnique dans le monde scientifique des opinions d’experts ingénieurs-géologues qui diffèrent largement des propos de M. Dusseault.
Marc Durand, Docteur-ingénieur en géologie appliquée et géotechnique ex. directeur des programmes M.Sct et Ph.D géologie à l’UQAM.”

Il est assez paradoxal d’être invité à titre d’expert par le gouvernement en France et par l’ambassade du Venezuela, mais pas par la commission qui au Québec invite d’autres experts sur ce même sujet. Nul n'est prophète en son pays, mais il y a bien d'autre pays heureusement.

Je termine ce texte en lançant une invitation à tous ceux qui, contrairement aux députés de la majorité libérale au gouvernement, souhaiteraient entendre mon analyse de la question de la fracturation hydraulique. L’ambassade du Vénézuéla organise depuis quelques années la Rencontre des Savoirs. L’an passé David Suzuki et trois autres conférenciers ont discuté des changements climatiques. Cette année j’accepté avec empressement l’invitation de l’ambassadeur à présenter un séminaire sur la fracturation hydraulique avec deux autres spécialistes. La rencontre s’adresse au personnel des diverses ambassades et consulats, mais elle est également ouverte gratuitement au grand public intéressé.

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