Il y a eu deux événements ce mois de mai 2019 à l'Assemblée nationale: un échange avec le ministre du MERN le 2 mai, puis une motion votée à l'unanimité le 7 mai.
Voici un extrait du journal des débats à l'Assemblée nationale, jeudi 2 mai. Le ministre Julien (MERN) affirme deux fois plutôt qu'une que la fracturation hydraulique est interdite au Québec. En stricte objectivité et par rapport à l'état actuel de la réglementation, cette affirmation est fausse; mais venant d'un nouveau ministre, cela demeure une déclaration très intéressante, car il dit en tant que ministre d'un nouveau gouvernement "Notre position est claire ...":
M. Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Lorsque nous étions au gouvernement, nous avons pris nos responsabilités et nous avons empêché l'exploitation de gaz de schiste. Mais, avec le nouveau gouvernement, il est difficile d'avoir l'heure juste concernant l'exploitation des ressources contenues dans le schiste, tellement que les entreprises aussi voient une ouverture.
Au mois de mars, dans Lotbinière, plusieurs inquiétudes sont nées lorsque l'entreprise Utica a modifié son inscription au Registre des lobbyistes pour favoriser le développement d'hydrocarbures au Québec. On apprenait également la semaine dernière que Questerre Energy suspendait sa poursuite envers le gouvernement qui contestait le règlement mis en place par l'ancien gouvernement, le temps d'étudier différentes options. Vous savez ce que fait réellement le groupe Questerre, M. le Président? Ils font des projets non conventionnels spécifiques tels que le pétrole léger, les schistes bitumineux, pétrole de schiste et gaz de schiste.
Alors, je me questionne, M. le Président. Quelles sont ces différentes options? Est-ce que la CAQ a une nouvelle position concernant la fracturation dans les basses terres du Saint-Laurent?
Le Président : M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles.
M. Julien : Oui, merci, M. le Président. Je tiens à remercier mon collègue pour cette question qui va nous permettre, en fin de compte, d'éclaircir la situation.
Une loi a été adoptée sur les hydrocarbures l'an dernier, en 2018, un règlement fort robuste adopté le 20 septembre 2018, et nous, on prend acte de ce règlement-là et de cette loi-là. L'exploitation des hydrocarbures au Québec va devoir respecter la Loi sur les hydrocarbures et le règlement. Et il n'y en a pas, actuellement, au Québec. Cette loi-là et ce règlement précisent quoi? Pas de fracturation hydraulique. Précisent quoi? Une protection exemplaire des milieux hydriques. Alors, moi, j'ai vu, en réalité, qu'une entreprise avait décidé de laisser tomber ses poursuites judiciaires, fort aise, mais nous, notre position n'a pas changé. On n'a aucune discussion avec cette entreprise-là et on n'a pas l'intention, en fin de compte, de ne pas faire respecter la loi et ses règlements et ni non plus d'en assouplir les tenants et aboutissants, loin de là, impossible pour nous. On tient cette ligne-là. Merci.
Le Président : Première complémentaire, M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : M. le Président, je vous rappellerai qu'au début de la campagne électorale le premier ministre... en fait, la Coalition avenir Québec avait encore sur son site Internet sa proposition selon laquelle la CAQ était en faveur de l'exploitation des gaz de schiste par fracturation. En plus, nous savons tous que le chef de cabinet du ministre a représenté les intérêts du lobby pétrolier par le passé. Alors, d'un côté, l'industrie sent une ouverture du gouvernement, et, de l'autre, les citoyens, notamment dans Lotbinière, s'inquiètent.
Est-ce que le ministre peut nous rassurer? Est-ce qu'il y a des discussions entre cette entreprise et votre gouvernement? Peut-être pas nécessairement votre...
• (10 h 50) •
Le Président : M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles.
M. Julien : Alors, merci encore à mon collègue. Ça va me permettre d'une fois de plus réaffirmer qu'il n'y a pas d'ouverture, une fois de plus, aucune discussion avec une entreprise qui voudrait faire en sorte qu'on assouplisse notre règlement et notre loi. Notre position est claire : pas de fracturation hydraulique, protection des milieux hydriques, et on tient cette position-là. On a, au Québec, une loi sur les hydrocarbures et un règlement les plus robustes, et on va faire respecter à la fois cette loi, M. le Président, et à la fois ce règlement. Alors, pour nous, il n'y a pas d'ouverture, aucune.
Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Je remercie le ministre de nous parler clairement. Ceci dit, c'est la première fois qu'il le fait sur cet enjeu-là. Et la raison est simple pourquoi on redemande cette question-là, parce que les positions changeantes de la Coalition avenir Québec sur de nouveaux enjeux, et vous en êtes conscients, ont été nombreuses depuis le début de ce gouvernement.
Alors, il est important de rassurer les populations concernées et de rassurer l'ensemble des Québécois. Les Québécois ont dit non à la fracturation, au gaz de schiste, et c'est important que le ministre continue à le répéter.
Le Président : M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles.
Le Président : M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles.
M. Julien : Bien qu'il n'y ait pas de question, je réaffirme ce que j'ai dit. Merci.
C'est très intéressant comme position. Par contre ce n'est pas encore cela le vrai contenu légal et réglementaire; ce n'est pas ce qui est actuellement en vigueur. Dans le règlement sur les milieux terrestres, l'article 197 précise ceci: "La fracturation est interdite dans le schiste. Elle est aussi interdite à une profondeur verticale réelle de moins de 1 000 m de la surface du sol."
Si on précise que la fracturation est interdite dans le schiste, c'est parce qu'elle peut être autorisée dans des contextes géologiques autres que le schiste et que les règlements la juge aussi acceptable aux profondeurs supérieures à 1000m. Les autres articles du chapitre IX FRACTURATION (art. 189 à 208) indiquent justement que dans les cas autres que du schiste, et à des profondeurs > 1000m, il est possible d'accorder des permis de fracturation hydraulique: les articles précisent comment et à quelles conditions des permis de fracturation seront accordés.
C'est donc encore très différent des déclarations du ministre. Pour être conséquent, les règlements de la loi sur les hydrocarbures devrait être modifiés en précisant que la fracturation hydraulique (ou autre) est interdite partout au Québec. Et il faudrait aussi enlever tout le chapitre IX du règlement qui définissent des conditions où elle est actuellement autorisée.
Il y a aussi à effacer du Règlement sur le Prélèvement des Eaux et leur Protection (RPEP édicté en juillet 2014) les articles 40 à 46 qui autorisent la fracturation. Ce n'est pas encore fait, donc ce que dit le ministre, ce n'est pas la loi ni les règles en vigueur.
Le 7 mai 2019 l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion (voir pp. 609 et 610) qui réitère l'interdiction de la fracturation hydraulique dans la vallée du St-Laurent. Ici, on ne parle pas d'interdiction universelle applicable à tout le territoire du Québec, mais seulement à la vallée du St-Laurent. Par contre, il n'est pas fait mention que cela serait limité à un type de roche le schiste. C'est donc de portée plus étendue que ce qui est dans les règlements:
C'est donc encore très différent des déclarations du ministre. Pour être conséquent, les règlements de la loi sur les hydrocarbures devrait être modifiés en précisant que la fracturation hydraulique (ou autre) est interdite partout au Québec. Et il faudrait aussi enlever tout le chapitre IX du règlement qui définissent des conditions où elle est actuellement autorisée.
Il y a aussi à effacer du Règlement sur le Prélèvement des Eaux et leur Protection (RPEP édicté en juillet 2014) les articles 40 à 46 qui autorisent la fracturation. Ce n'est pas encore fait, donc ce que dit le ministre, ce n'est pas la loi ni les règles en vigueur.
Le 7 mai 2019 l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion (voir pp. 609 et 610) qui réitère l'interdiction de la fracturation hydraulique dans la vallée du St-Laurent. Ici, on ne parle pas d'interdiction universelle applicable à tout le territoire du Québec, mais seulement à la vallée du St-Laurent. Par contre, il n'est pas fait mention que cela serait limité à un type de roche le schiste. C'est donc de portée plus étendue que ce qui est dans les règlements:
Du consentement de l’Assemblée pour déroger à l’article 185 du Règlement, Mme Ghazal (Mercier), conjointement avec M. Polo (Laval-des-Rapides) et Mme Fournier (Marie-Victorin), propose :
QUE l’Assemblée nationale prenne acte que Questerre Energy tente de faire invalider les règlements d’application de la Loi sur les hydrocarbures du Québec par le biais des tribunaux. Le 18 mars 2019, les procureurs de Questerre Energy ont notifié à la procureure générale du Québec une demande de suspension des procédures, laquelle a été accordée jusqu’au 29 août 2019;
QU’elle reconnaisse que des mandats de lobbying de l’APGQ (échu depuis le 31 décembre 2018) et d’Utica (en vigueur depuis le 22 mars 2019) indiquent que des acteurs de l’industrie des hydrocarbures font des représentations pour modifier ces règlements;
QU’elle prenne acte des propos récents du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, qui a affirmé sans détour qu’il n’y aurait aucun assouplissement des règlements ou de la Loi sur les hydrocarbures;
QUE l’Assemblée nationale réitère que l’interdiction de la fracturation hydraulique dans la vallée du Saint-Laurent est non négociable et qu’aucun projet pilote ne sera exempté de cette interdiction.
La motion est mise aux voix; un vote par appel nominal est exigé. La motion est adoptée par le vote suivant :
Pour : 112 Contre : 0 Abstention : 0
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